Ils ont fait l'actu. Marie Portolano, auteur d'un documentaire sur le sexisme dans le milieu des journalistes sportives
Sébastien Baer revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent. Mercredi 4 août, le documentaire "Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste" réalisé par Marie Portolano a permis de délier les langues.
21 mars 2021. Le documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste est diffusé sur Canal+. Le film met en lumière le traitement subi par les journalistes sportives. Les gestes déplacés, le sexisme, les insultes ou le harcèlement. La réalisatrice, Marie Portolano, donne la parole à une vingtaine de consoeurs.
Une onde de choc
Dans les rédactions, la diffusion du documentaire a créé une onde de choc. Après des signalements, plusieurs médias dont Canal+, RMC Sport ou Radio France, ont lancé des enquêtes internes et le chroniqueur Pierre Ménès, a été mis à l'écart. Depuis son film, Marie Portolano a quitté Canal+ et rejoint le service des sports du groupe M6. Et quatre mois plus tard, elle reste surprise par les conséquences. "Je ne m'attendais pas à ça parce que j'avais très peur que les gens ne comprennent pas et ne soient pas intéressés. Déjà, force est de constater que ça a intéressé les gens et c'est ça qui a été le plus frappant pour moi" souligne Marie Portolano, qui, quatre mois plus tard, reste surprise par les conséquences.
La diffusion du documentaire a aussi suscité d'autres témoignages. "J'ai reçu de nouveaux témoignages et surtout j'ai remarqué que des journalistes qui n'avaient pas pu apparaître dans le documentaire parce qu'elles étaient liées à des chaînes et qui n'avaient pas eu l'autorisation, je pense notamment à Anne-Laure Bonnet ou à d'autres journalistes, ont témoigné dans d'autres médias par la suite. Et en fait, ça m'a plu parce que je me suis dit que c'est comme si le documentaire vivait sans moi et que finalement, les journalistes continuaient de raconter leurs expériences sur les plateaux télévision ou à la radio. Et je me suis dit tant mieux, ça veut dire que ça a provoqué quelque chose" se félicite Marie Portolano.
Pour une personne, au moins, les conséquences ont été importantes. Le journaliste de Canal+ Pierre Ménès a disparu de l'antenne. "J'ai été gênée par le fait qu'il soit le seul pointé du doigt" explique la réalisatrice.
Ce que j'ai voulu montrer dans le documentaire, ce n'est pas que Pierre Ménès était sexiste, c'est le système qui a permis à plusieurs hommes d'agir comme ça pendant des années et qu'il les a autorisés à être en totale impunité
Marie Portolanosur franceinfo
"Pierre Ménès n'est pas le responsable du sexisme en France et donc je suis de toute façon assez gênée par les chasses à l'homme, l'immédiateté des réactions me dérange, donc la cabale sur Twitter, ça m'a vraiment beaucoup gênée", ajoute Marie Portolano.
La journaliste sportive ne s'est pas davantage satisfaite que des enquêtes soient ouvertes dans plusieurs rédactions. "Je n'étais pas réjouie parce que je me suis dit 'bon, maintenant, il y a des enquêtes ouvertes, ça veut dire qu'il y a des problèmes partout', donc ça ne m'a pas rendue heureuse. Ce qui me rend heureuse, c'est qu'il y ait des réactions. Et ce qui me rend le plus heureuse, c'est quand j'ai des jeunes journalistes qui m'envoient des messages sur Twitter ou sur Instagram et qui me disent 'grâce à vous, je n'ai pas peur de dire ne le fais pas ou ça me dérange ou je suis gênée'. Et c'est ça qui me rend le plus fière".
À peine plus de 10% des journalistes sportifs sont des femmes
In fine, Marie Portolano a le sentiment d'avoir ouvert une brèche. "J'aimerais qu'il y ait un avant et un après. Le combat sera gagné quand il sera inutile d'en parler". Certaines voix se sont quand-même élevées pour critiquer son documentaire. "On m'a dit 'tu craches dans la soupe'. Beaucoup d'hommes ne comprennent pas, disent qu'on est dans une victimisation, alors que justement, je trouve que ce documentaire n'est pas une plainte, c'est plutôt une réflexion, des témoignages..."
Le documentaire illustre aussi le manque de parité dans le milieu des médias et du sport : en France, à peine plus de 10% des journalistes sportifs sont des femmes. Mais preuve que le vent tourne, c'est le duo féminin Marie Portolano - Nathalie Ianetta qui a interviewé Didier Deschamps, en mai, après l'annonce de la liste des joueurs tricolores pour l'Euro.
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