Ils ont fait l'actu. Jean-Yves Rolland, le maire de Callac, qui a dû renoncer à son projet d'accueil des migrants
11 janvier 2023. Sous pression, le maire de Callac Jean-Yves Rolland jette l'éponge. Sa commune de centre-Bretagne n'accueillera pas les quelques dizaines de réfugiés, comme le prévoyait un projet baptisé Horizon. Le programme, imaginé en partenariat avec le fonds de dotation Mercy, devait, dit-il, redynamiser ce bourg rural à la population vieillissante. S'il dit "regretter" l'abandon du projet présenté au printemps 2022 aux Caillacois, l'élu explique s'être retrouvé dans une impasse face à un conseil municipal qui risquait de se fissurer.
Il faut dire que la situation était devenue explosive dans le village entre les manifestations (les 17 septembre et 5 novembre 2022) d'un petit groupe d'opposants locaux ralliés par des militants de Reconquête, le parti d'Eric Zemmour avec parfois, raconte le maire, des drapeaux nazis sur la place de Callac et les contre-manifestations de soutien au projet et de dénonciation de l'extrême-droite.
"Si tu n'interviens pas, on s'en va"
Le maire est alors harcelé et menacé de mort ; la préfecture lui avait même à un moment conseillé de flouter les fenêtres de son bureau à la mairie pour ne pas être visé par des tirs de snipers. Les tensions arrivent aussi au cœur du conseil municipal. Au mois de juin, le maire retire sa délégation à sa troisième adjointe Laure-Line Inderbitzin, qui avait qualifié "d'erreur impardonnable" l'abandon du projet.
Jean-Yves Rolland commente aujourd'hui cette décision dont il s'était expliqué dans un simple communiqué de presse jusque-là en affirmant que le choix de renoncer au projet Horizon "a été fait parce qu'on avait pris une décision collective d'y mettre un terme. Et puis, du jour au lendemain, elle va donc à Paris dans une émission avec Mediapart (le 10 mai) dans laquelle elle annonce : 'Le maire a jeté l'éponge. C'est une erreur impardonnable'. Et le lendemain, elle va encore plus loin en disant 'Si la maison du maire de Saint-Brevin a brûlé, c'est parce qu'on a arrêté le projet Horizon'. Donc je considère qu'aller s'opposer brutalement au maire de cette façon-là, c'est instaurer un mur entre nous."
Il estime que cette destitution est "un signal fort envoyé. Mais c'est peut-être un mauvais signal pour certains" et dit aussi "regretter d'avoir dû prendre cette décision-là". Mais, il ajoute "je pense que si je ne faisais pas, je n'aurais pas été devant vous aujourd'hui, mes collègues démissionnaient. De toute façon, ils m'avaient prévenu : 'si tu n'interviens pas. Nous, on s'en va'".
L'équipe municipale toujours sous pression
Quelques mois après l'abandon du projet Horizon, les tensions retombent. Jean-Yves Rolland décrit une ambiance plus apaisée, "on retrouve le sourire de la population, il y a un esprit de contestation qui est resté là, mais qui concerne un petit nombre de personnes."
"Il y a des blessures qui sont restées et le comité 'anti' est toujours là, toujours sur notre dos en permanence"
Jean-Yves Rollandà franceinfo
Le comité d'opposants local continue de "mettre la pression," sur l'équipe municipale, "ils vont sur tous les dossiers, tous les jours. Ils sont en train de nous dire, vous ne ferez rien sans référendum, sans notre avis. Ça, c'est nouveau. Ce n'était pas le cas avant".
L'équipe municipale dont le maire ont été la cible de menaces, de harcèlement, d'intimidations. Sur le plan judiciaire, plusieurs plaintes ont été déposées et l'examen des dossiers est en cours précise le maire, "mais ce n'est pas évident parce que ce sont des plaintes qui concernent les réseaux sociaux et ce n'est pas facile de remonter jusqu'aux auteurs contrairement aux lettres anonymes". Jean-Yves Rolland décrit des lettres d'une grande violence : "'Tu vas crever collabo, sale sioniste, j'espère que votre épouse sera violée, vos enfants sodomisés'... Tout ce qui n'est pas entendable. On n'est pas préparé à ça dans une vie d'élu surtout dans nos campagnes. Callac, c'est une petite commune de 2 300 habitants. J'ai été agriculteur, je n'ai jamais connu des situations comme ça. Ça nous choque et ça nous secoue encore."
"La terreur s'était installée"
Le flot de menaces s'est tari envers le maire, mais pas envers certains élus selon Jean-Yves Rolland qui s'interroge, "avec ces paliers franchis par une frange de l'extrême-droite, la question, c'est 'Y aura-t-il encore des candidats dans toutes les communes à la prochaine élection municipale ?' Ce n'est pas sûr." Lui-même ne sait pas à l'heure actuelle s'il se représentera.
L'abandon du projet reste pour lui "un échec douloureux" : "Pour moi, c'était un beau projet, poursuit-il, mais mal annoncé, certainement mal préparé par nous comme par le fonds de dotation 'Merci', parce que c'était leur premier projet aussi. Et l'extrême droite a gagné d'après ce qu'ils disent. Moi, je préfère dire qu'ils ont marqué des points."
"Si on n'avait pas abandonné, ils auraient gagné parce qu'on serait tombé et l'extrême droite se serait installée à la tête de la commune."
Jean-Yves Rollandà franceinfo
Jean-Yves Rolland l'assure, Callac est et restera une commune accueillante pour les réfugiés et exilés. Il admet que "la terreur s'était installée parce que les habitants de Callac, pour une majorité, sont des personnes d'un certain âge. Et donc, quand ils ont vu toutes ces manifestations, ça leur a fait peur. Mais les étrangers sont toujours les bienvenus, il y a le projet de l'État d'installer des réfugiés dans les campagnes. Jusqu'en 2022, il y avait cinq familles ici ; en février et mars 2023, il y a eu deux nouvelles familles, une Syrienne, une Soudanaise qui sont arrivées, seize nouveaux réfugiés et il n'y a pas eu un souci, pas un bruit. Ça se passe très bien sur le terrain et ils sont bien accompagnés par les associations locales, bien accompagnés à l'école pour les enfants".
Après que l'État a annoncé plusieurs séries de mesures pour mieux protéger les élus, Jean-Yves Rolland estime que "ce n'est pas à la hauteur du problème, mais c'est déjà un premier pas".
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