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Une nouvelle doctrine du maintien de l'ordre: l'adieu à Maurice Grimaud ?

L'executif propose de changer de doctrine du maintien de l'ordre. Mais de quoi parle-t-on? Comment faire face à des manifestants violents ? Sujet ô combien actuel qui prend un tournant historique majeure il y a 50 ans…  

Article rédigé par franceinfo
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Des CRS tirant des grenades lacrymogènes dans le Quartier latin, dans la nuit du 10 au 11 mai 1968. (SIPAHIOGLU / SIPA)

C'est au moment de mai 1968 que tout change. Jusque-là, la police était, disons, au contact. Alors on avait bien remplacé l’armée par des unités spécialisées essentiellement les gendarmes mobiles depuis 1921 et les CRS depuis 1944, on avait remplacé les armes létales  par des instruments en principe non létaux comme la matraque ou le gaz à partir de 1947. Mais les forces de l’ordre restent violentes, au contact, en témoigne la gestion des grandes grèves de 1947 par exemple ou encore l’extrême violence meurtrière des forces de l’ordre commandée par le préfet Maurice Papon contre les manifestants du FLN en octobre 1961 à Charonne…  

La rupture de mai 1968

Ce qui change, c’est d’abord la présence de manifestants très jeunes et la crainte de la bavure qui pourrait faire basculer le mouvement.

Ce qui change aussi c’est la médiatisation très importante des manifestations qui ne laisserait pas dans l’ombre la violence policière. Cette question est d’ailleurs ultra-sensible, une rumeur courait dans tout Paris : la police tue des étudiants et les jette dans la Seine.

Ce qui change enfin, c’est la personnalité du préfet de police de Paris, Maurice Grimaud qui revient en 1970 sur sa vision du rôle des forces de l’ordre au micro de France Culture:

Dans le cas d'une manifestation qui dégénère, il faut mieux être plus nombreux, pour ne pas être débordé, ne pas improviser des actions qui peuvent mal tourner

Maurice Grimaud, Préfet de police de Paris

Le 29 mai 1968, Maurice Grimaud écrit une fameuse lettre à toutes les forces de l’ordre impliqué et il écrit notamment que s’ils utilisent la force, je le cite :

Nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi: c'est notre réputation

Maurice Grimaud, lettre aux forces de l'ordre, 29 mai 1968

Alors il y a bien eu des violences policières en mai 68 mais surtout de la part des simples policiers parisiens peu habitués à ces contextes violents. Et il avait pu compter sur le soutien du ministre de l’intérieur, Christian Fouchet pour s’opposer à évacuer la Sorbonne occupée. Comme quoi un ministre de l’intérieur et un préfet de police peuvent s’entendre sur la doctrine du maintien de l’ordre….

Depuis les années 2000, une remise en cause de la doctrine

Il y aura encore des violences ponctuelles, pensons à Malik Oussékine en 1986, mais la doctrine de ne plus aller au contact elle est restée LA doctrine du maintien de l’ordre…

Mais on n’a pas attendu les Gilets Jaunes pour y réfléchir. Depuis les années 2000 le modèle des émeutes urbaines s’est imposé, en 2005 dans les banlieues avec une question qui est devenue très politique avec Nicolas Sarkozy ministre de l’intérieur qui voulait incarner l’autorité : doit-on continuer à laisser casser, quitte à apparaître laxiste, au nom de cette doctrine ? Le ministre de l’Intérieur s’était à l’époque opposé au président de la République. Depuis, cette question n’a cessé d’être posée.

Aujourd’hui, l’exécutif tente d’apporter une réponse qui pourrait rompre avec 50 ans de maintien de l’ordre en France.

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