Quand la prostitution était "un mal nécessaire" (1961)
Retour en 1961. Depuis 15 ans déjà, les maisons closes ont disparu. Ceux qu’on appelle les abolitionnistes, c’est-à-dire ceux qui avaient défendu leur fermeture, sont de plus en plus critiqués pour avoir jeté dans les rues des milliers de femmes, désormais moins protégées.
Les abolitionnistes avaient imaginé en finir avec la prostitution. Les 10 000 femmes qui arpentent les rues de Paris au début des années 1960 leur offrent un cruel démenti. Alors que faire pour lutter contre la prostitution? À écouter certains, on ne peut rien faire... Sur la première chaîne de télévision de l’ORTF, le 24 février 1961 :
La loi abolitionniste de 1946, récemment renforcée, permet de dresser contravention aux filles publiques trop voyantes. Mais une contravention de temps à autre n'a jamais empêché un conducteur de rouler. Quant aux proxénètes que le législateur aimerait sanctionner lourdement et voir disparaître, ils sont insaisissables.
On ne parle pas à l’époque de pénaliser le client. Le client, le grand absent de la prostitution qui se limite à deux criminels, la prostituée et le proxénète.
Si un an plus tôt en 1960, la France a ratifié la Convention abolitionniste des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution qui datait de 1949, dans l’esprit de beaucoup, la prostitution reste nécessaire.
Ecoutez par exemple ce qu’en dit un médecin et ancien député socialiste, Pierre Mazuez, qui s’était fait connaître en déposant un projet de loi visant à rouvrir les Maisons Closes. Toujours en 1961 :
Je considère évidemment comme tout le monde que la prostitution est un mal. Mais pour moi, la prostitution, c'est un peu pour le corps social, ce que la vespasienne est pour l'individu, c'est une nécessité...
La prostituée, simple vespasienne…Et la prostitution présentée comme nécessaire pour le bon fonctionnement du corps masculin!
Dans ces conditions, impossible d’envisager la fin de la prostitution. Marthe Richard, celle qui avait fait fermer les maisons closes en 1946, surnommée la Veuve qui Clot par le spirituel Antoine Blondin, avait même proposé de les rouvrir en 1973.
On mesure alors le chemin parcouru en plus de 40 ans. En pénalisant les clients, l’Etat tente une chose qu’il n’avait jamais essayée avant. Et c'est le signe qu’il ne se résout pas à l’impossibilité de mettre un terme à la prostitution.
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