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Miss Monde, ou comment un concours de beauté est devenu un enjeu politique

Lors de la création du concours "Miss Monde" à Londres en 1951, seuls importaient "la finesse du tour de taille et le galbe d'une jambe". Mais depuis quelques années, la compétition flirte régulièrement avec les pages "politique" et "géopolitique" des journaux. Le concours n'est plus seulement esthétique,il est devenu un sujet politique.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Miss Monde 1951 (au centre) © NetworkedBlogs)

En 1951, un simple concours de beauté

Le 29 juillet 1951, une élection mondiale vient d'avoir lieu. L'élue est une femme, la Suédoise Kiki Hakansson. Et non, ce n'est pas son programme politique qui a séduit les électeurs.

"Les seules armes admises sont la finesse d'un tour de taille ou le galbe d'une jambe"

Cette élection est la première du "Concours Bikini", rebaptisé tout de suite "Miss Monde" par la presse. Initialement prévu pour n'avoir lieu qu'une fois, il est finalement reconduit et devient annuel. En 1951, il ne fait pas les titres des pages "politique" et "géopolitique" des journaux....

Il n'apparaît pas non plus dans les pages "société"; il faut attendre les années 1970 pour que des féministes commencent à s'émouvoir de ces concours machistes et avilissants pour la femme. En 1951, les membres du jury, exclusivement des hommes, fument négligemment leur cigarette tout en expertisant les courbes féminines qu'ils regardent..

Jusqu'en 1988, l'élection se tient toujours dans la salle de bal du Lyceum, puis au Royal Albert Hall de Londres, ce qui réduit les risques de voir l'évènement pris en otage par des enjeux géopolitiques régionaux.

Et puis les Miss déchainent toutes les passions

En 1996, c'est en Inde que se déroule le concours. L'Inde, un pays qui s'est ouvert au monde en 1991, ouverture dont le concours est un symbole. Mais il est loin de faire l'unanimité. Certains fondamentalistes hindous y voient ainsi une occidentalisation inacceptable de la culture indienne, en fait hindoue. Menace d'attentat dans le stade où se déroule le concours, d'immolation par le feu dans les gradins. Dans la ville de Bangalore, 15.000 policiers sont déployés.

Le concours n'est plus uniquement esthétique, il est devenu un sujet politique.

Déjà en 1994, l'élection d'une Miss Monde indienne très loin des standards de beauté indiens avait fait scandale. Scandale aujourd'hui dépassé, Aishwarya Rai étant l'une des plus grandes actrices du cinéma indien.

Six ans plus tard, une autre élection de Miss Monde met le feu à une poudrière. Là encore, le pays d'accueil, le Nigéria, veut faire de cet évènement le symbole de la modernité de son pays. Les musulmans radicaux y voient une attaque en règle de leurs valeurs, d'autant qu'un journal explique que le prophète Mahomet aurait sûrement choisi l'une de ces reines de beauté pour épouse.

Affrontements, destructions d'églises et de mosquées, deux cent personnes meurent dans ces violences. L'élection est finalement organisée à Londres pour des raisons de sécurité. L'an dernier, en Indonésie, sous la pression des radicaux, les prétendantes à la couronne de Miss Monde avaient quitté Djakarta pour l'île de Bali, enclave occidentale et à majorité hindoue. En riposte est même créé le concours de "Miss Monde Musulman", organisé cette année à Djakarta. Outre la beauté, les candidates y sont jugées sur leur capacité à réciter des versets du Coran.

Derrière les sourires, les paillettes et les maillots de bain, l'élection de Miss Monde est devenue le symbole de la mondialisation occidentale.

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