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Les Champs Elysées, "la plus belle avenue du monde" : histoire d'une expression

Le Comité des Champs Elysées a présenté un projet visant à "réenchanter la plus belle avenue du monde". Arrêtons-nous un instant sur cette expression consacrée, "la plus belle avenue du monde." 

Article rédigé par franceinfo
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Un homme sur une trottinette traverse les Champs-Elysées, à Paris, le 9 novembre 2018.  (CHARLES PLATIAU / REUTERS)

Les Champs-Elysées, "la plus belle avenue du monde", mais depuis quand qualifie-t-on ainsi cette avenue parisienne?

Petite histoire d'une expression consacrée

J’ai dû partir dans les fins fonds des archives pour trouver une réponse satisfaisante à cette question beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît.

Alors d’ores et déjà, sachez que l’expression ne date évidemment pas de la naissance de cette avenue qu’on appelait encore  le Grand-Cours, dessinée par Le Nôtre à la demande de Louis XIV en 1670 et qui s’étendait de la place de la Concorde  jusqu’au niveau du Rond-Point des Champs-Elysées. L’expression ne date pas non plus de l’inauguration de l’Arc de Triomphe en 1836.

Dans un numéro du Figaro de 1878, il y a une référence à "la plus belle avenue du monde" mais c’est la rue de Rivoli ! Ce n’est pas loin, mais ce ne sont pas les Champs-Elysées.

La première occurrence, je l’ai trouvée dans le Figaro du 16 mars 1889, et déjà avec la crainte qu’elle ne soit plus la plus belle avenue du monde :
"Pourquoi le conseil municipal ne vote-t-il pas l’éclairage des Champs-Elysées par l’électricité ?  Il est vraiment pitoyable que la plus belle avenue du monde soit mal éclairée. Nous devons montrer Paris aux étrangers, paré de tous les progrès de la science".

Même son de cloche dans La Croix  du 17 octobre 1900 : 

Petit à petit, les restaurants, les concerts, les music-halls, ont empiété sur la promenade des Champs-Elysées. Encore quelques années et la plus belle année du monde aura cessé d’exister

La Croix, 17 octobre 1900

La nostalgie d'un lieu qui n'aurait jamais existé

L'angoisse de voir les Champs-Elysées ne plus être "la plus belle avenue du monde" est permanente.

Je la retrouve par exemple dans le mensuel édité par les Amis des Champs-Elysées, qui s’inquiète en mars 1931 de la multiplication des enseignes lumineuses sur l’avenue, ou, bien plus tard, en 1990, au moment où le maire de Paris Jacques Chirac lance une grande rénovation de "la plus belle avenue du monde". Hervé Claude n’y va pas avec le dos de la cuillère dans le 20h d’Antenne 2, le 10 janvier 1990 :

Le vrai chic parisien peut-il s'accomoder des fast-foods? Les Champs-Elysées sont-ils en train de se dégrader? L'afflux des touristes a amené en masse des commerçants ambulants, des papiers gras et des immeubles moches. Il faut préserver notre patrimoine

Hervé Claude

Journal de 20H, Antenne 2, 10 janvier 1990

En 1994, les nouveaux Champs-Elysées sont inaugurés par Jacques Chirac : plus de végétation, moins de voitures avec les contre-allées qui disparaissent au profit de larges trottoirs, un peu ce qu’on a annoncé aujourd’hui d’ailleurs.

Sans la littérature et les chansons, les Champs-Elysées ne seraient qu'une belle avenue parmi d'autres

A la fin du XIXème siècle, il y a sûrement des éléments objectifs comme la largeur de l’avenue, la perspective, la lumière, la beauté des immeubles, les espaces verts, qui font des Champs-Elysées le symbole même de l’élégance et de la richesse… Il y aura aussi dans les années 1950 les magasins de luxe ou les hôtels comme le Claridge où descendent tous les stars, notamment américaines.

Mais dire que c’est "la plus belle avenue du monde", c’est surtout un récit, des mots qui rendent la chose réelle. C’est la littérature qui à la fin du XIXème et au début du XXème en fait un décor idéal pour les écrivains qui veulent raconter cela, comme Flaubert dans L’Education Sentimentale ou évidemment Proust dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Mais c’est aussi le cinéma, ou la chanson…

Comment ne pas songer à la chanson de Joe Dassin !  

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