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Histoires d'Info. Les attaques chimiques, véritables "laboratoires pour nous anéantir"

En Syrie, une attaque chimique présumée contre la ville de Khan Cheikhoun suscite depuis mardi une indignation internationale. La tragédie vient s'ajouter à la longue liste de l'utilisation du gaz dans les conflits. 

Article rédigé par franceinfo
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L'hôpital de Khan Cheikhoun en Syrie a été bombardé à la suite d'une attaque supposée chimique mardi 4 avril.  (OMAR HAJ KADOUR / AFP)

L’utilisation des gaz dans la guerre n’a rien de récent puisque les Grecs, les Romains ou les Byzantins s’en servaient déjà. Elle n’a rien d’anodin non plus. Il ne s’agit pas d’une arme classique, loin de là. Considérée comme contraire aux lois de la guerre et particulièrement inhumaine, cruelle et lâche, l’attaque au gaz est d’ailleurs interdite dès 1899 par la Convention de La Haye.

Du gaz pendant la Grande Guerre

Mais, durant la Première Guerre mondiale, il fallait économiser les explosifs classiques et surtout faire bouger les lignes pendant la guerre de position dans les tranchées. En mars 1915, au nord du Saillant d’Ypres, près du village de Langemarck, plusieurs centaines de tonnes de chlore contenues dans des bonbonnes sont installées dans les tranchées allemandes. Le 22 avril, le gaz est libéré, poussé par le vent vers les tranchées françaises. Le fils d’un poilu lit une lettre écrite par son père : "Je t'assure que la vision de ceux qui furent pris était des plus cruelles à observer et parfois insoutenable. Les hommes se contorsionnaient dans d'affreuses suffocations, salivant à l'extrême, se tenant presque tous par la poitrine à y arracher leur boutonnage. Ah, Louisette ! Quelle science affreuse pour nous exterminer tous ! Quelle sorcellerie dans leurs laboratoires pour nous anéantir ! Est-ce possible ?"

Comme aujourd'hui, l'indignation est totale

Dès le lendemain, la presse alliée et neutre stigmatise la barbarie allemande. Mais bientôt, Anglais et Français utiliseront eux aussi des gaz qui toucheront au total pendant la Première Guerre mondiale plus d'un million de soldats, en tuant près de 100 000. En 1925, le protocole de Genève est signé et adopté par 38 pays ; il prohibe les armes chimiques. Mais on peut encore en produire, en acheter et en stocker. Bref, une portée limitée.

D'ailleurs, jamais le gaz ne cessera d'être utilisé. Par les Italiens en Ethiopie dans les années 30, les Japonais en Chine à la même époque ou, plus récemment et très massivement, par les Irakiens contre les Kurdes dans les années 1980, faisant notamment 5 000 morts à Halabja en mars 1988 sous la houlette du tristement célèbre Ali Hassan al-Majid surnommé "Ali le chimique".

Une action de la communauté internationale en 1993

Au lendemain de la première Guerre du Golfe, la communauté internationale se réunit à Paris pour combler les lacunes du vieux protocole de Genève. Le jour de la signature de cette Convention sur l'interdiction des armes chimiques, François Mitterrand s'exprime : "C'est la première fois, depuis que l'humanité tâtonne sur le chemin du désarmement, la première fois qu'un traité international de portée universelle proscrit, de manière vérifiable, une catégorie complète d'armes de destruction massive. Pas de désarmement sans confiance, pas de confiance sans contrôle, pas de contrôle qui ne soit international !" 

Vingt plus tard, en 2013, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui vérifie les stocks et leur destruction, recevra le prix Nobel de la paix, en particulier suite au démantèlement de l'arsenal chimique syrien, un démantèlement théoriquement achevé en 2016. On peut aujourd'hui légitimement en douter...

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