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Histoires d'info. De la critique à la haine des médias

Les politiques et les médias ont toujours eu des relations compliquées qui, bien avant Jean-Luc Mélenchon, ont pu aller jusqu'à la haine. Même si elle n'était pas forcément qualifiée de "juste et saine".

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Jean Jaurès, homme politique (1859-1914). (AFP)

Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon a livré, lundi 26 février, une nouvelle critique très virulente des médias : "La haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine" écrit-il dans un article où il en est même venu à soutenir son adversaire politique Laurent Wauquiez, victime comme lui du; "Parti médiatique". Des propos qui s’inscrivent dans une longue histoire.

On a un peu trop vite tendance à voir dans ces propos de Jean-Luc Mélenchon mais aussi dans ceux de Marine Le Pen ou de Laurent Wauquiez, un signe du temps, avec ce très laid néologisme de "trumpisation". Taper sur les médias pour faire "peuple", c’est en effet à la mode dans les démocraties.

Jean Jaurès, critique des médias et patron de presse

L’idée que les médias seraient entre les mains d’un petit nombre de milliardaires et que, par conséquent, ils ne mettraient en lumière que des informations qui seraient favorables à leurs intérêts, ce n’est pas une idée nouvelle. A la fin du XIXe siècle, à gauche, Jean Jaurès, dont se réclame Jean-Luc Mélenchon au point d’avoir voulu sa place à l’Assemblée nationale, livrait sa pensée sur la presse :  "Il n’est pas possible de régler et de 'moraliser' la presse (…). Par la complication croissante de son outillage, l’industrie du journal est entrée dans la période de la grande industrie. Elle a donc besoin pour vivre de grands capitaux, c’est-à-dire de ceux qui en disposent. Ils (les journaux) ne sont donc plus, dans l’ensemble, que des outils aux mains du capital et il me paraît tout à fait vain, je l’avoue, de chercher par quelle combinaison subtile on fera entrer le capitalisme dans la catégorie de la 'moralité'. Il est d’un autre ordre."

Dans ces conditions, la tentation est grande, outre la critique des médias, de créer ses propres médias, ce que fit Jean Jaurès en lançant L'Humanité en 1904. Ce fut aussi le cas pendant la Commune de Paris en 1871, grand moment, peut-être le premier, d’une vaste critique des médias et, à l’époque, de la presse écrite. Les communards, considérant que les grands médias véhiculaient des "fake news", créèrent leurs propres journaux et notamment Le Cri du Peuple.  

La gauche radicale, les poètes et le "grand fléau"

Le parallèle avec la situation actuelle fonctionne. Aujourd’hui, entre Le Media, proche des Insoumis ou la chaîne YouTube personnelle de Mélenchon, il y a là aussi la création de médias alternatifs qui ne passeraient pas sous silence de vraies informations : parce que c’est le fond de la critique médiatique. Une critique qui ne cessera évidemment pas au XXe siècle, notamment à gauche sous la plume très appréciée de la gauche radicale de Noam Chomsky. Une critique que l’on retrouvait, chose plus surprenante, sous la plume d’Alfred de Musset : "D’abord le grand fléau qui nous rend tous malades, Le seigneur Journalisme et ses pantalonnades, Ce droit quotidien qu’un sot a de berner, Trois ou quatre milliers de sots, à déjeuner ; Le règne du papier, l’abus de l’écriture, Qui d’un plat feuilleton fait une dictature."

Une critique ancienne, donc, solidement enracinée à gauche, on pourrait aussi parler du travail sociologique de Pierre Bourdieu, il y a tout de même quelque chose de nouveau dans les propos de Jean-Luc Mélenchon. Jusqu’alors, on parlait d’une critique des médias, une critique que beaucoup de défenseurs de la démocratie considéraient comme "juste et saine" dans une démocratie. En parlant de "haine" et de "combat", Jean-Luc Mélenchon a certainement franchi une étape de plus. Une étape sous forme de rupture.
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