Cet article date de plus de dix ans.

11 novembre 1940. "La mémoire est le présent du passé" (Saint Augustin)

Le Maréchal Pétain passe le 11 novembre dans la cathédrale de Clermont-Ferrand. Pas pour célébrer la victoire, mais pour rendre hommage aux morts français. A Paris des centaines de lycéens vont déposer des fleurs et une croix de Lorraine sur la tombe du soldat inconnu. Première réponse aux appels de Radio Londres ? Résistance communiste ? Ou opposition apolitique aux Nazis ?
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (L'armée allemande remonte les Champs Élysées en side-cars. 1940 © Maxppp)

La commémoration officielle à Clermont-Ferrand

Le 11 novembre 1940 est une date un peu particulière, une commémoration un peu particulière. C'est la première depuis la défaite, la première depuis l'occupation allemande. 

Le Maréchal Pétain, grande figure de la Première Guerre mondiale ne peut qu'en célébrer l'anniversaire.

Aucune référence à la victoire contre l'Allemagne, bien sûr. Le Maréchal Pétain célèbre le 11 novembre 1940 dans la cathédrale de Clermont-Ferrand et il n'est question que des morts français à l'heure où le pays vit des heures douloureuses. Terrible ironie de l'Histoire, l'évêque de Clermont Ferrand, Gabriel Piguet, qui accueille Pétain ce jour-là se rapprochera des filières permettant de cacher des enfants juifs dans des institutions catholiques.

Cette implication lui vaudra d'être déporté à Dachau en 1944. Revenu des camps de concentration en 1945, le mémorial de Yad Vashem lui décerne le titre de Juste à titre posthume en 2001.

 

L'autre commémoration, celle des lycéens

A quelques centaines de kilomètres de là, une autre manifestation, interdite celle-ci, revêt une dimension nettement plus hostile à l'occupant allemand.

Aucune archive sonore, évidemment, de la manifestation qui réunit quelques centaines, voire milliers de lycéens sur la place de l'Etoile. Leur but, venir déposer, au nez et à la barbe des Allemands, des fleurs sur la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Après la guerre, en revanche, le récit de cette manifestation devient omniprésent, premier acte de résistance pour les Gaullistes.

Histoire, mémoire et politique

Maurice Schumann, compagnon du Général de Gaulles à Londres, porte-parole de la France-Libre fait ainsi le récit de sa réaction :

"L'émotion lui avait brisé la voix"

Pour Schumann et les Gaullistes, cette manifestation est une réponse aux appels de Radio Londres, la première réponse à l'appel du 18 juin 1940.

Mais dans la lutte mémorielle que se livrent gaullistes et communistes après la guerre, ces derniers ne sont pas en reste, tentant de faire de la manif du 11 novembre 1940, une manifestation communiste.

Les archives sont têtues, elles nous disent que cette manifestation lycéenne était largement apolitique, déclenchée en réaction à l'occupation allemande mais sans référence à la France Libre. Dans le tract appelant à la manifestation, on peut lire :

"Le 11 novembre est resté pour toi jour de Fête Nationale
Malgré l'ordre des autorités opprimantes il sera jour de recueillement
Tu n'assisteras à aucun cours
Tu iras honorer le soldat inconnu à 17h30
Le 11 novembre 1918fut le jour d'une grande victoire
Le 11 novembre 1940 sera le signal d'une plus grande encore
Tous les étudiants sont solidaires pour que
Vive la France
"

Elle nous dit ainsi, en ce jour de commémoration, que même si les enjeux ne sont pas toujours aussi dramatiques qu'en ce 11 novembre 1940,  une manifestation est toujours politique comme l'écrivait Saint Augustin, "la mémoire est le présent du passé". Et ce n'est pas François Hollande, chahuté lors des dernières cérémonies de commémoration qui dira le contraire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.