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Nellie Bly : la première femme journaliste d'investigation

À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, lundi 3 mai, voici le portrait de celle qui a inventé le journalisme d'immersion.

Article rédigé par franceinfo - Manon Mella
Radio France
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Nellie Bly, pionnière du journalisme d'investigation. (STÉPHANIE BERLU / FRANCE-INFO)

Nellie Bly est considérée comme celle qui a inventé le journalisme d'immersion, qu'on connaît aussi sous le nom de "journalisme gonzo". Cela consiste, entre autres, à se faire passer pour le protagoniste de son reportage. Nellie Bly s'est faite passer pour folle pour enquêter dans un asile psychiatrique, elle s’est déguisée en homme pour s’introduire dans l’entourage d’un célèbre narcotrafiquant de l'époque. Autre exploit, Nellie Bly a tenté de battre le record du tour du monde en 80 jours de Phileas Fogg, le héros de Jules Verne, et elle a réussi.

Elle fait son premier reportage à l'âge de 16 ans

Le vrai nom de Nellie Bly est Elizabeth Jane Cochrane. Elle est née en 1864 en Pennsylvanie, dans une famille avec beaucoup d’enfants et pas beaucoup d’argent.  Son père meurt quand elle a 6 ans. Après s'être remariée avec un homme violent et alcoolique, la mère de Nellie divorce (ce qui était très rare à l'époque). "Nellie veut travailler pour aider sa mère mais elle n'a pas assez d'argent pour faire des études", raconte Penelope Bagieu, autrice de bande dessinée, notamment des "Culottées", où elle dédie un chapitre à Nellie Bly. 

Portrait de Nellie Bly dans les "Culottées" de Penelope Bagieu (Gallimard) (PENELOPE BAGIEU)

Mais Nellie est douée pour l'écriture et écrit des poèmes à l'âge de 16 ans. Et puis un jour, elle tombe sur un article qui la met particulièrement en colère. Publié dans le journal local, le “Pittsburgh Dispatch”, le texte est intitulé “Ce à quoi sont bonnes les jeunes filles”. La réponse étant grosso modo de rester à la maison et de faire des enfants. Nellie Bly prend alors sa plume et envoie une lettre incendiaire au rédacteur en chef, qui lui propose de l'embaucher en tant que journaliste.

Désormais, Elizabeth adoptera le pseudonyme "Nellie Bly", pour pouvoir enquêter librement et éviter que sa famille ne soit inquiétée. Elle fait son tout premier reportage dans une fabrique de conserves, en 1880 et y raconte les conditions de travail très difficiles des ouvrières. Son reportage fait exploser les ventes du journal.

Elle a choisi de parler de celles et ceux qu'on n'entendait pas. Les perdants, les ouvriers, les pauvres, les femmes...

Pénélope Bagieu, autrice de BD

Mais les industriels qui contrôlent la presse font pression sur le “Pittsburg Dispatch” et Nellie Bly est placardisée aux rubriques jardinage et théâtre. Elle décide alors de partir en voyage au Mexique, avec sa mère, pendant six mois. Même si elle est en vacances, Nellie Bly continue de mener ses enquêtes, notamment sur la corruption des dirigeants mexicains. Elle se fait expulser du Mexique, quitte le "Pittsburg Dispatch", et va à New York pour travailler pour le “New York World”, tenu par Joseph Pulitzer.

Elle s'est faite interner pour enquêter dans un asile

En 1887, Nellie Bly propose de se faire interner dans un asile psychiatrique, le Blackwell's Island Hospital, à Roosevelt Island, afin d'enquêter sur les conditions de vie des femmes pensionnaires. "Elle a découvert des conditions de vie épouvantables et des cas de maltraitance, physique et psychologique", explique Pénélope Bagieu. Nellie Bly enquêtera pendant dix jours, en se faisant passer pour malade mentale. En sortant, son enquête fait la une de tous les journaux et la ville de New York décide même de débloquer un million de dollars pour améliorer la prise en charge des malades. 

La même année, elle se déguise en homme pour infiltrer l’entourage d’un célèbre narcotrafiquant. Deux ans plus tard, en 1889, Nellie Bly décide de faire le tour du monde.

Elle a fait le tour du monde en 72 jours

Nellie Bly, avant d'effectuer son tour du monde, en 1889. (LIBRARY OF CONGRESS / CORBIS HISTORICAL)

"À cette époque, tout le monde avait lu 'Le Tour du monde en quatre-vingts jours' de Jules Verne", raconte la dessinatrice Pénélope Bagieu. Mais Nellie Bly fait mieux que Phileas Fogg, le héros du célèbre livre, et boucle son tour en 72 jours. Son exploit sonne comme le symbole de l'émancipation des femmes. "Toute la presse suivait son périple. C’était feuilletonnant et donc hyper moderne comme démarche", analyse Pénélope Bagieu. 

Après ça, Nellie bly se retire du journalisme. À l’âge de 31 ans, elle épouse un industriel millionnaire âgé de 42 ans de plus qu’elle. “Il est mort peu de temps après et elle a récupéré l'usine de ce mec qui fabriquait des bidons en fer, comme les bidons de lait. Elle a inventé et breveté un nouveau modèle de bidon. Une forme de génie", s'enthousiasme Pénélope Bagieu. Désormais directrice d’une immense entreprise, Nellie Bly décide d’améliorer la vie des ouvriers. Assurance santé, augmentation de salaire et installation de bibliothèques...Son passé de journalisme n’est pas très loin.

Elle est allée dans les tranchées en 1914

En 1914, la Première Guerre mondiale éclate. Nellie Bly se rend dans les tranchées sur le front russe et devient la première femme correspondante de guerre des États-Unis.

En 1918, elle rentre chez elle à New York et continue d’écrire dans les journaux sur le monde ouvrier et le droit de vote des femmes.

En 1922, à l’âge de 57 ans, Nellie Bly meurt d’une pneumonie. Le lendemain un article sort dans la presse et la qualifie de la “meilleure journaliste d’Amérique”. Juste avant de mourir, elle a écrit ceci : “Je n'ai jamais écrit un seul mot qui ne vienne pas de mon cœur. Je ne le ferai jamais.


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