1914-1918, franceinfo y était. 31 mai 1916 : La bataille du Jutland
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "La bataille du Jutland".
Une bataille navale de grande ampleur s’est engagée en mer du Nord cet après-midi, au large de la côte du Danemark. La flotte britannique est aux prises avec la marine allemande depuis plus de trois heures maintenant… Nous suivons cet engagement minute par minute avec notre envoyé spécial embarqué sur le HMS Iron Duke, avec l’amiral anglais sir John Jellicoe… Engagement meurtrier, terrible… Plusieurs navires ont déjà explosé… Il y a sans doute des milliers de morts… Grégoire Lecalot, vous êtes sur la passerelle de l’Iron Duke. Que voyez-vous ?
Eh bien, à vrai dire, on ne voit pas vraiment grand-chose. On est enveloppé dans la brume, dans la fumée. Il y a la brume de mer d’abord, et la fumée des tirs de canon, surtout. Celle qui forme comme un épais brouillard sale avec une très forte odeur de poudre. Un brouillard parsemé de débris qui volent tout autour de nous. Et puis il y a le brouillard artificiel créé par les navires eux-mêmes pour se cacher. Des colonnes de fumées noires sortent des cheminées et des bateaux qui ont été touchés.
Avec tout cela, depuis la passerelle de l’Iron Duke, on a à peine pu voir la flotte allemande. Des silhouettes de navires, pendant à peine quelques minutes. Sauf le Wiesbaden, qu’on a pu identifier. Il a été durement touché il y a une grosse demi-heure. Et c’est une bataille dans la bataille qui a eu lieu tout autour.
Le tonnerre des coups de canon nous ébranle à chaque instant, c’est comme de gigantesques coups de marteau, c’est assourdissant. L’onde de choc nous fait vibrer la poitrine. Et au moment où nous parlons, c’est tout le gros de la flotte britannique, soit 24 cuirassés, qui fait feu sur les Allemands. Un véritable chaudron d’enfer !
Quelle est la situation des deux flottes ?
C’est, là aussi, assez compliqué à dire précisément. L’amiral Jellicoe est tenu au courant par les escadres de ses seconds, l’amiral Beatty et le comodore Goodenough. C’est grâce à eux grâce à leur courage, qu’on sait que l’on a affaire à toute la flotte de haute mer allemande. Mais ces informations restent peu sûres. Au début de la bataille, par exemple, nous avons été très surpris de trouver les Allemands bien plus proches que l’on s’y attendait.
Mais pour autant qu’on puisse le savoir, les Britanniques semblent avoir l’avantage du "terrain". Ils sont pour la seconde fois alignés, à angle droit par rapport aux Allemands, comme la barre supérieure d’un T. Ils peuvent donc concentrer leurs tirs sur les navires qui foncent les uns derrière les autres vers l’endroit où nous sommes. La fumée est percée, constellée d’explosions, et la flotte du Kaiser semble ralentir sa charge sous le poids des énormes obus des navires britanniques.
Pourtant, d’après les informations que l’on a pu avoir, les pertes sont très lourdes côté britannique…
En effet, le début de la bataille a été très dur. C’est surtout l’escadre de l’amiral Beatty qui a essuyé des pertes terribles. Elle a lancé la première poursuite vers 15 heures, après avoir aperçu des navires allemands. En une demi-heure, deux gros navires ont littéralement sauté : deux croiseurs de bataille, plus légers que les cuirassés mais lourdement armés, le HMS Indefatigable et le HMS Queen Mary. Il n’y a que deux survivants sur les 1 000 marins que comptait l’Indefatigable, neuf sur 1 300 pour le Queen Mary.
Plus tard, le HMS Defence et plusieurs destroyers légers ont également explosé. Le bilan est donc écrasant. Certains officiers, sous le choc, regrettaient que les procédures de sécurité ne soient pas toujours bien respectées. Et ça, pour pouvoir accélérer la vitesse de tir, c’est la doctrine de bataille de la Royal Navy, qu’on entend et qu’on voit à l’œuvre en ce moment.
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