SOS expat' : petits et grands maux de l'expatriation
Entretien avec Christina Gierse, rédactrice-en-chef du site Vivre à l'Etranger.com (groupe Studyrama.com) On connaît le syndrome du " mal du pays ", mais on a du mal à imaginer un expatrié qui déprime Quelle est l'origine de cette souffrance ? Comme tout changement de situation, l'expatriation peut entraîner des souffrances car elle est une rupture avec les origines. Le terme " expatrié " signifie "loin de la patrie", et "patrie" vient de pater, le "père". S'expatrier, c'est perdre ses repères, se séparer de sa terre, et implique donc un travail de deuil qui peut être plus ou moins bien vécu.
- Concrètement, cela se traduit comment ?
- Cela se traduit de différentes manières, par des symptômes physiques et psychologiques plus ou moins marqués, mais assez classiques : pathologies digestives, dermatologiques, troubles de l'humeur pouvant aller jusqu'à des crises d'angoisse ou à la dépression. Certains tombent dans des addictions : alcool, drogues... Le problème spécifique de l'expatrié est qu'il lui est moins facile de parler, de savoir à qui s'adresser. Il y a la barrière de la langue, mais aussi et surtout : c'est un tabou.
- Pourquoi ?
- Il faut savoir que la communauté des expatriés ressemble un peu à un petit village : tout le monde se connaît, sait tout sur tout. Mais dans le fond, on est réuni par le contexte, un peu par hasard et non vraiment par choix. On est ensemble pour une durée limitée, 2 ou 3 ans. Ce microcosme un peu artificiel ne laisse pas toujours beaucoup de place à une parole sincère et véhicule l'image d'une vie " dorée ". Les vrais amis, la famille sont loin.
- Existe-t-il des facteurs aggravants ? Certaines personnes sont-elles plus vulnérables ?
- On peut distinguer 4 grands facteurs. Le premier est assez évident : plus la culture est éloignée de la nôtre, plus le risque de choc culturel est grand. Le deuxième est plus insidieux : admettre que l'on va mal malgré une situation matérielle reconnue comme enviable. La troisième porte sur les liens avec la famille restée au pays et le décalage qui peut se produire avec elle. Enfin, le dernier point résulte d'un manque de préparation : on est parti un peu sur un coup de tête, sans vraiment mesurer toutes les conséquences de ce changement de vie pour soi et surtout son entourage.
- Justement, quel peut être le rôle de l'entourage ?
- Les enfants sont plutôt un élément positif car ils sont facteurs d'intégration : lorsqu'ils sont en âge d'être scolarisés, l'école offre un lieu de rencontre avec d'autres familles et donc des possibilités d'activités partagées qui favorisent l'intégration. En revanche, le conjoint qui a " tout quitté " pour le projet d'expatriation, encore souvent la femme, a un rôle primordial. Elle peut être vecteur d'intégration si elle vit positivement ce départ car elle dispose de plus de temps, comme elle peut devenir une source de soucis majeurs si elle vit mal cette situation. Certaines femmes, qui ont quitté leur job, peuvent mal vivre cette subite inactivité, d'autant plus que tous les aspects de la vie quotidienne sont pris en charge par du personnel sur place. Au sentiment de deuil d'avoir quitté famille et amis s'ajoute une baisse de l'estime de soi.
- Que faire ?
- Il existe des cabinets spécialisés comme le Cigap (Cabinet international de gestion et d'aide psychologique) qui propose un soutien psychologique spécialisé pour expatriés. A Singapour, on trouve une antenne téléphonique de support psychologique pour expatriés, appelée Lifeline. Une telle expérience gagnerait à être plus répandue.
Aller plus loin
Retrouvez ce dossier sur Vivre a l'Etranger.com, du groupe Studyrama.com
Le guide " Conjoint d'expatrié, votre carrière continue " écrit par Stéphanie Talleux, paru chez StudyramaPro
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