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Valérie Pécresse : convaincre sans rhétorique ?

Retour sur le meeting de Valérie Pécresse au Zénith de Paris, dimanche 13 février. Un discours maladroit sur la forme, si l’on en croit les commentaires qui fleurissent depuis hier. Et qui pose une question plus profonde : est-il possible de convaincre… sans rhétorique?

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La candidate à la présidentielle Valérie Pécresse a tenu son premier gros meeting le 13 février, à Paris. (STEPHANE ROUPPERT / NURPHOTO)

C’était en effet l’un des événements politiques du week-end : le premier grand meeting de campagne de Valérie Pécresse. Nous l’avions reçue sur franceinfo lors des matins présidentiels, et j’avais eu l’occasion de lui dire en face à face combien sa rhétorique, tout en métaphores filées et en jeux sur les sonorités, pouvait paraître artificielle, à mes oreilles tout du moins.

Depuis, elle a transformé sa manière de discourir... en accentuant encore les traits qui la caractérisaient ! Dimanche, cela a été le festival des assonances et des allitérations, c’est-à-dire des séquences de mots contenant les mêmes sons : "Ces 400 000 normes qui s'empilent et qui empêchent tout projet de voir le jour. Emmanuel Macron devra rendre des comptes. Notre hôpital est à bout de souffle, tenu à bout de bras par des soignants héroïques... Une nouvelle France délivrée de ses chaînes qui entravent l’audace des entrepreneurs et des créateurs, des bâtisseurs d’avenir... La France est une Marianne en corset."

"Ces chaînes qui entravent l’audace des entrepreneurs et des créateurs, des bâtisseurs d’avenir" : allitération en R. "Emmanuel Macron devra rendre des comptes" : à nouveau une allitération en R, doublée d’une assonance en ON. Valérie Pécresse cherche à tout prix à faire résonner les mots entre eux. C’est cela qui donne un côté lyrique et grandiloquent au discours. Mais le problème, c’est que le procédé est tellement systématique qu’il en devient visible, et donc, potentiellement risible.

Mais ce n'est pas le seul procédé qui pouvait sembler un peu trop visible. Valérie Pécresse ne s’est pas contentée de jouer sur les sonorités : elle s’est servie de ce procédé pour structurer des pans entiers de son discours.

"Je veux reconstruire la France de l'innovation, pas la France de la précaution."
"La France n'est pas une nostalgie, c'est une énergie."
"Être français, ce n'est pas se résigner, c'est se relever."
"La sécurité sera pour vous, l'insécurité pour les voyous."
"Ce nom de France, je veux qu'il résonne de nouveau, je veux qu'il étonne, je veux qu'il tonne."

Ce sont là soit des assonances, c’est-à-dire des jeux sur les consonnes (vous / voyous), soit des paronomases, c’est-à-dire des jeux sur les mots tout entiers (résigner / relever). Mais surtout, ces figures sont utilisées pour structurer des antithèses, c’est-à-dire des oppositions binaires : "Je ne veux pas ceci… mais je veux cela".

Ce schéma assonances + antithèse est intéressant. En rhétorique, c’est ce que l’on appelle un "clap trap", c’est-à-dire un piège à applaudissements. Il est fait avec élégance et subtilité, il nous garantit presque d’être applaudi. Mais quand cela devient, comme ici, une formule utilisée ad nauseam, on finit par la repérer, s’en lasser, puis s’en gausser.

Exercice totalement raté

Valérie Pécresse le reconnaît elle-même. Elle était ce lundi matin l’invitée de RTL : voici ce qu’elle disait sur sa propre performance : "Si l'objectif c'est d'avoir vraiment un orateur, il y en a de meilleurs que moi. Si l'objectif c'est d'avoir une faiseuse, qui va faire quelque chose, alors je pense que je suis la meilleure candidate. Par ailleurs je vous rappelle qu'il y a eu un candidat qui a eu du mal à faire des meetings au début de sa carrière politique : il s'appelait Emmanuel Macron."

Valérie Pécresse elle-même concède donc n’être pas la meilleure oratrice, et avoir du mal en meeting. Mais en même temps, ce qu’elle dit peut s’entendre : cette élection n’est pas un concours d’éloquence, mais un choix politique. Mais c’est tout le problème de la rhétorique : il ne suffit pas d’avoir raison pour emporter la conviction. Si les meilleurs arguments, les plus solides, les mieux documentés étaient assurés de s’imposer contre des argumentations de faible qualité, nous n’aurions pas besoin de rhétorique : il suffirait de travailler ses dossiers. Or, on sait bien que ce n’est pas le cas ! Que cela nous plaise ou non, les beaux parleurs au verbe glorieux triomphent souvent des orateurs plus laborieux.

Valérie Pécresse est-elle la meilleure candidate ? Chacun jugera. Est-elle bonne oratrice, en revanche ? Pour l’instant, non. Et cela n’est pas le moindre de ses tracas…

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