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Robert Ménard et l’accueil des réfugiés : un mea culpa inachevé

Les mea culpa sont rares, en politique, a fortiori en pleine campagne électorale. C’est pourtant ce à quoi s’est livré Robert Ménard. Le maire de Béziers, soutien de Marine Le Pen, a déclaré qu’il regrettait les positions très dures qu’il a eu par le passé sur l’accueil des réfugiés irakiens ou syriens. 

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le maire de Béziers Robert Ménard, soutien de Marine Le Pen, le 8 janvier 2021 (MICHAEL ESDOURRUBAILH / MAXPPP)

C’est une séquence rare à laquelle on a assisté mercredi soir sur LCI. Robert Ménard était interrogé sur l’écart entre sa volonté d’accueillir aujourd’hui les réfugiés ukrainiens, et son rejet, hier, des personnes qui fuyaient la Syrie, l’Irak ou l’Afghanistan. Sa réponse a le mérite de la clarté : "J'ai dit, écrit, publié à Béziers un certain nombre de choses, par exemple au moment des combats en Syrie et en Irak, sur l'arrivée des réfugiés chez nous... que je regrette, que j'ai honte d'avoir dites et faites. Parce que moralement, ce n'était pas bien. Il n'y a pas deux sortes de victimes."

"Ce 'deux poids, deux mesures' n'est pas glorieux pour nous, pour moi. Ce n'est pas une erreur, c'est une faute."

Robert Ménard, soutien de Marine Le Pen

sur LCI

 On ne saurait être plus explicite. Robert Ménard choisit ses mots avec soin. Il parle sciemment de faute, c’est-à-dire, selon la définition du Robert, un manquement à une règle morale. Il dit en concevoir de la honte : on saurait difficilement être plus clair.

Sincérité ou stratégie ?

Certes, on s’honore toujours à corriger ses fautes. Encore faut-il que cette correction soit authentique, plutôt que guidée par des considérations stratégiques. Or, il me semble que, s’agissant de Robert Ménard, le doute est permis. Quelques secondes à peine après avoir fait son mea culpa, il s’en sert en effet pour attaquer violemment Éric Zemmour. C’était le cas mercredi soir sur LCI, et à nouveau jeudi matin sur Public Sénat, où Robert Ménard renouvelait ses regrets : "Même Éric Zemmour change d'avis. Devant le poids de la monstruosité de ses propos, il se rend compte qu'il ne peut pas continuer. Même s'il le fait avec des bémols. Le discours d'Éric Zemmour est dur, cassant, sans beaucoup de traces d'humanité."

C'est une attaque très violente contre Éric Zemmour qui, en effet, avait commencé par fermer la porte à l’accueil des réfugiés ukrainiens

C’est donc une position cohérente de la part de Robert Ménard, mais c'est d’abord une position opportune, utilisée pour attaquer le principal concurrent de Marine Le Pen, qui est la candidate soutenue par Robert Ménard. Or, précisément : sur le fond, la position du Rassemblement national n’est, aujourd’hui, pas très éloignée de celle d'Éric Zemmour. Souvenez-vous par exemple de ce que déclarait Jordan Bardella, le président du RN, lundi 4 mars sur franceinfo : "Je me sens beaucoup plus proche de ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine, aux portes de l'Union européenne, que de ce qui a pus se passer en Syrie ou en Libye. Je pense que l'accueil des Syriens ou des Libyens qui fuiraient des combats là-bas peut se faire dans des pays arabes, dans des pays arabo-musulmans."

Cette distinction quant au traitement à réserver aux différents réfugiés, c’est exactement ce que dénonce Robert Ménard. Or, il se garde bien, sur ce thème, de critiquer vivement le Rassemblement national. Il confesse, certes, des "points de désaccord" avec Marine Le Pen. Mais sans commune mesure avec la condamnation morale dont il affuble Éric Zemmour, alors même que les positions de l’une et de l’autre, sur l’accueil des réfugiés, sont très proches.

Mea culpa sans conséquences

Certains estimeront qu’il s’agit d’un simple compromis pragmatique, tandis que d’autres parleront d’une véritable hypocrisie. Mais, dans un cas comme dans l’autre, le point commun, c’est que cela suppose une part de stratégie. Et c’est précisément ce que nous pouvons lui reprocher. Un responsable politique devrait être, précisément, responsable de ses actes devant les citoyens. Cela n’implique pas seulement de savoir reconnaître ses torts. Mais aussi, d’être capable d’en tirer les conséquences.

Robert Ménard continue de soutenir Marine Le Pen, alors même qu’il a qualifié l’une de ses positions de "faute" et de "honte". Au-delà, il exploite cette occasion pour attaquer un concurrent. Voilà, a minima, une forme très inachevée de mea culpa.

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