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Présidentielle 2022 : qu’attendre du débat d’entre-deux-tours ?

Clément Viktorovitch analyse les enjeux de ce débat d'entre-deux-tours en se replongeant dans celui de 2017 qui voyait les mêmes protagonistes face à face.

Article rédigé par franceinfo
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Clément Viktorovitch, le 20 avril 2022. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le débat d’entre-deux-tours ! Les deux finalistes de l’élection présidentielle face à face, qui confrontent leurs meilleurs arguments et leurs pires roublardises dans un duel homérique, avec, à chaque fois cette même question : qui triomphera ? Et qui mordra la poussière ?

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Cette interrogation semble moins évidente qu’il n’y paraît. Elle nous confronte à un problème rhétorique de fond, comment déterminer le vainqueur d’une telle confrontation ? Pour le savoir, revenons sur le précédent débat, celui de 2017, qui opposait déjà Emmanuel Macron à Marine Le Pen. C’est un excellent cas d’étude, parce que la candidate du Rassemblement national a concédé, elle-même, qu’elle avait été dominée dans cette exercice. Il n’y a donc aucune contestation possible sur le résultat du débat.

Les attaques "ad personam" de 2017

La stratégie de Marine Le Pen, lors de ce débat se résumait en un mot : l’agression ! Tout au long du débat, elle avait cherché à mettre Emmanuel Macron en difficulté. En l’attaquant sur son bilan, maladroitement  d’ailleurs – on se souvient qu’elle avait confondu deux dossiers industriels. Mais également, en n’hésitant pas à aller un cran plus loin. "L'enfant chéri du système et des élites, en réalité a tombé le masque Monsieur Macron, disait en 2017 Marine Le Pen. On a vu les choix que vous avez fait dans ce second tour qui révèlent la froideur du banquier d'affaires que vous n'avez  probablement jamais cessé d'être. / Vous êtes à plat ventre en permanence devant l'Allemagne, devant les communautaristes, devant les puissances d'argent, devant les banques à plat ventre. Le candidat à plat ventre."

Ce sont évidemment des attaques extrêmement violentes, en ce qu’elles ciblent la personne-même d’Emmanuel Macron. Elles visent à le faire paraître lâche, insensible et corrompu. En rhétorique, c’est ce que l’on appelle des attaques : des tentatives de disqualification de l’adversaire. Ce n'était pas une stratégie gagnante. Pour commencer, ces attaques ne fonctionnent que si l’adversaire encaisse sans répliquer, voire, finit par s’effondrer.Ce qui n'a pas été le cas d'Emmanuel Macron lors de ce débat. "Vous êtes depuis tout à l'heure dans l'insinuation, repliquait en 2017 Emmanuel Macron. Madame Le Pen, les Français et les Françaises méritent mieux que cela./ Je ne veux pas des profiteurs de l'échec et des exploitants de la colère, la France mérite mieux que cela./ C'est triste, le pays mérite mieux./ Mais nos concitoyens méritent mieux que ça. Je le regrette Madame Le Pen, la France mérite mieux que vous."

Marine Le Pen et Emmanuel Macron lors du débat d'entre-deux-tours de la présidentielle 2017, le 3 mai 2017. (ERIC FEFERBERG / POOL)

Il y a deux choses très différentes. D’abord, "les français méritent mieux que cela". C’est une stratégie rhétorique élémentaire. Dévoiler le procédé utilisé par l’adversaire afin de le dévitaliser, voire, de le retourner contre lui. En l’occurrence, Emmanuel Macron se contente de souligner, en une phrase, que les attaques de Marine Le Pen ne sont pas du niveau d’un tel débat.  Et puis, il y a cette autre occurrence, vers laquelle il glisse progressivement : "La France mérite mieux que vous." C’est à nouveau, mais dans sa bouche cette fois, une attaque ad personam ! Toute aussi violente que celles utilisées par son interlocutrice ! Mais comme elle prend la suite d’une formule à laquelle il nous a lui-même habitué elle nous choque moins l’oreille, on la voit un peu moins passer, et Marine Le Pen l’encaisse de plein fouet.  

Apparaître surplombant et rassembleur 

L'échec de Marine Le Pen n'est pas seulement dû à l'adresse d'Emmanuel Macron et c’est justement le deuxième élément. Marine Le Pen a commis une erreur fondamentale, elle n’a pas compris quelle était la nature profonde de ces duels. Il ne s’agit pas, ou du moins pas en premier lieu, de pourfendre son adversaire. Mais bien, avant tout, de renvoyer de soi-même l’image d’une présidente ou d’un président. Ce débat, c’est avant tout un rite de passage et, même, de transformation, qui métamorphose les deux derniers candidats en potentiels chefs de l’État. Et pour cela, il faut apparaître surplombant et rassembleur. Tout le contraire de l’image produite par d’incessantes attaques personnelles. C’est donc la stratégie-même choisie par Marine Le Pen qui l’a conduite au désastre de 2017. Aura-t-elle retenu la leçon cette année ? Nous le découvrirons ce soir.  

Et j’aimerais vous laisser avec un dernier élément de réflexion. Dans l’immense majorité des cas, les deux candidats parviennent à réaliser cette présidentialisation de leur image à travers le débat. Or, comme par hasard, c’est à chaque fois le vainqueur déclaré du débat qui a ensuite remporté l’élection. Et si, en fait,  c’était l’inverse ? Est-ce que ce ne serait pas le président élu dont nous nous souvenons, a posteriori, comme le vainqueur du débat ? 

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