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Le gouvernement qui n’assumait pas sa réforme du chômage

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
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Publié Mis à jour
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Le Premier ministre Jean Castex et la ministre du Travail Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale le 16 février 2021 (VINCENT ISORE / MAXPPP)

La réforme de l’assurance chômage, déjà partiellement entrée en vigueur, devrait être encore durcie le 1er décembre prochain. Mais ces mesures n’assument pas leur objectif réel.

Retour sur les épisodes précédents : le 1er octobre dernier, la réforme est entrée partiellement en vigueur. Elle a pour conséquence de diminuer les allocations chômage, parfois très significativement. Selon l’étude d’impact officielle de l’Unedic (organisation chargée de gérer l’assurance chômage), la réforme pourra entraîner jusqu'à 40% de baisse, pour les personnes qui enchaînent les contrats courts et sont donc, souvent, les plus fragiles. Mais ce n’est pas fini : le 1er décembre, la réforme sera en effet durcie. Il faudra désormais avoir travaillé six mois, au lieu de quatre, pour commencer à toucher la moindre allocation.

L'argument d’Elisabeth Borne, la ministre du Travail, c'est que le moment est venu de procéder à une telle réforme. Elle était l’invitée de France Inter jeudi 28 octobre : "À un moment où la reprise est très dynamique, où les entreprises embauchent massivement et où même beaucoup d'entreprises ont des difficultés pour recruter, c'est le moment pour encourager le travail. C'est l'objectif de la réforme de l'assurance chômage."

L'argument principal, c'est donc que les entreprises ont du mal à recruter, il y a des postes vacants, ce qui signifie que certains chômeurs profiteraient de leurs allocations pour se la couler douce : il est donc nécessaire d’encourager le retour au travail.

Plus d’un million d’offres disponibles sur Pôle Emploi ?

Ce chiffre est un magnifique trompe-l’œil. Là-dedans, vous avez toutes les offres qui soit sont déjà pourvues, soit ont été annulées, mais n’ont pas encore été retirées de la base. Vous avez également un stock sans cesse renouvelé d’offres qui sont postées, et trouvent rapidement preneurs.

Il vaut donc mieux se fier aux chiffres de la Dares, la direction statistique du ministère du Travail, qui parlait cet été de 260 000 postes non pourvus. On rappelle qu’il y a, aujourd’hui, près de six millions de personnes qui cherchent un emploi en France, dont 3,5 millions qui ne travaillent pas du tout. Même en admettant que des ingénieurs, des commerçants, des employés de banque, des horticulteurs acceptent de prendre un emploi dans le BTP ou la restauration, cela ne règle absolument pas le problème : ils seront encore des millions à ne pas trouver de travail, parce qu'il n’y en a pas, tout en voyant leurs allocations chômage diminuer brutalement.

Elisabeth Borne répond à cette objection "qu'il y a beaucoup d'offres d'emploi. Et l'objectif c'est que cela continue, que chacun puisse retrouver un emploi. L'objectif c'est que tous les demandeurs d'emploi puissent bénéficier de la reprise économique, et qu'ils puissent retrouver un emploi."

Sur l’objectif, tout le monde sera d’accord. Mais comment l’atteindre, alors qu’il manque structurellement des millions d’offres ? Jamais Elisabeth Borne ne répond à cette question élémentaire parce que rien, dans cette réforme, ne permet d’y répondre. On est dans de la pure incantation : la ministre du Travail se contente de nous présenter la réalité telle qu’elle voudrait qu’elle soit, mais en aucun cas telle qu’elle est.

La réforme sert surtout à réduire les dépenses

L'Unedic, dans son étude d’impact officielle, prévoit que la réforme permettra d’économiser plus de deux milliards d’euros par an en régime de croisière. Et cela, étonnamment, Elisabeth Borne n’en parle absolument jamais. 

Alors on peut estimer que la protection sociale destinée aux plus précaires est trop généreuse. On peut souhaiter la réduire. Mais le minimum dans ce cas, c’est de le dire ! La politique, ce n’est pas seulement décider : c’est aussi assumer ses décisions. Le gouvernement ne l’a jamais fait, sur cette question.

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