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En un mot : les enfants perdus de Calais

Le mot de l'actu du jour est : jungle. Il n'aura échappé à personne. En tout cas, pas à Nathalie Bourrus.

Article rédigé par franceinfo, Nathalie Bourrus
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Calais, le 17 octobre 2017. Un an après le démantèlement de la "jungle", plusieurs centaines de migrants ont fait leur retour à Calais. (MAXPPP)

Des broussailles qui piquent, des feuillages qui s'agrippent aux pulls, des bouts de cartons ou des résidus de tôle... La jungle de Calais, devenue quasiment mythique, a été détruite il y a un an. Le mot du jour est donc : jungle.

Qui vient de l’hindoustani "Jangal", qui signifie "espace naturel sauvage". Puis, cela donnera : "forêt tropicale, peuplée d’animaux sauvages".

Je me souviens très bien de la naissance de la première jungle. On l’avait découverte en 2008. Je me souviens très bien de ce chemin pour y arriver. 

S'enfoncer dans l'inconnu, au travers de broussailles piquantes, avec devant moi un homme dénommé Moustache. A cette époque, des hommes fuyaient des pays, et avaient peur de la presse. Il fallait donc montrer patte blanche, et prendre des heures, parfois des jours, avant de pouvoir les approcher. Les politiques n’y allaient pas. Les cinéastes, Georges Clooney, ou le célèbre graffeur Banksy, non plus. Je me souviens d’un matin, sous la pluie, dans un froid glacial. On s’est engouffré dans des feuillages ardus. On poussait les obstacles, un à un, dans le silence. Moustache émet alors un petit sifflement, pour prévenir. Est-on à la guerre ? Faudra-t-il ramper dans la boue ? Presque… Dernières branches à dégager… et là, stupeur. Est-on chez l’enfant sauvage ? Presque… Des cahutes, faites de branchages, de morceaux de cartons, et de boites de conserves rouillées, ont été bâties là. Maisons de papiers.

"Ce n’est pas un bon endroit", nous avait dit Moustache. "Parce que la route est trop proche, la police vient facilement ici, et détruit régulièrement". Les destructions d’abris de fortune ne datent donc pas d’hier … elles ont toujours eu lieu, n’ont jamais cessé. Elles sont juste devenues systématiques. La grande destruction, il y a un an, a poussé certains migrants vers des centres d’accueil et d’orientation (les CAO, 450), où ils peuvent se poser, et remplir les documents administratifs. Un an après, on se questionne ? La grande destruction a-t-elle, au bout du compte, été un bien ? Quelques chiffres disent que oui : environ 42% des migrants ont obtenu l’asile. Des situations disent que non : plus de jungle, plus d’abri. Rien. Ceux qui restent sont devenus des rôdeurs affamés. Des délinquants parfois. Mais aussi des proies faciles, quand ils sont très jeunes, les mineurs, les enfants.

En un mot : à Calais, il n’y a plus de jungle d’adultes. Il y a un sinistre désert, peuplé de petits animaux sauvages, sans défense.                                

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