Cet article date de plus de cinq ans.

En route vers Paris 2024. Plonger pour ne pas couler

Cécilia Berder, membre de l’équipe de France d’escrime, nous fait vivre de l’intérieur le quotidien d’un sportif de haut niveau.

Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Les athlètes français à l'écoute de Jacqueline Delord, responsable de la réathlétisation en piscine. (CB)

Tous les sportifs connaîtront durant leur carrière une période de blessures. Certains choisiront de passer leur convalescence aux côtés de Jacqueline Delord, ancienne nageuse olympique, aujourd'hui spécialiste de la réathlétisation.

Avec des douleurs chroniques à l'épaule et aux cervicales, je fais partie de ces sportifs qui ont décidé de se mettre à l'eau pour éviter de couler et continuer la préparation physique dans de bonnes conditions. Jacqueline Delord est en quelque sorte notre maître-nageur sauveteur. Championne de France de papillon dans les années 90, elle s'occupe de beaucoup de "gueules cassées" dans les différentes équipes de France. Durant une période de blessures ou de réhabilitation, réaliser une préparation physique dans l'eau reste moins traumatisant que sur terre.

Moins traumatisant mais pas moins exigeant

Au niveau du programme, c'est assez simple. On passe en moyenne une heure dans l'eau par semaine, et il n'y a guère besoin de plus. Elle nous fait découvrir de nombreuses nages : la nage du grand chien, la nage bras de brasse jambes de crawl, le crawl vrillé ou encore la nage water-polo enchaînée avec une galipette... Ces distances n'ont évidemment rien d'olympiques. Elles sortent tout droit de l'imagination de Jacqueline.

Son ambition n'est pas de faire de nous la prochaine génération de Manaudou mais simplement de nous remettre sur pied. Elle nous explique la relation qu'elle tisse avec les athlètes : "C'est une relation d'accompagnement. Effectivement physique, mais pas que. Je suis un point de repère extérieur aux entraîneurs, extérieur à leurs parents, et je pense qu'avec le recul et l'expérience, je peux aussi les provoquer, leur dire les choses qu'on n'a pas forcément envie d'entendre, mais toujours en essayant d'attendre qu'ils soient prêts à les entendre."

Jacqueline Delord livre ses conseils d'ancienne nageuse olympique et championne de France de papillon. (CB)

Après une telle séance, nos corps ne sont pas réparés dans l'instant mais ils ont eu la chance de bouger, de suer. On a testé nos limites et pour un sportif blessé accro à l'effort, c'est déjà énorme. "Le fait que le sportif vienne ici, c'est déjà une démarche très particulière", précise Jacqueline Delord. "Pour moi, c'est toujours un challenge de le faire adhérer à l'activité dès la première séance. Une fois qu'il a confiance en lui et confiance en l'eau surtout, ça marche tout seul."

Une séance en piscine vide l'organisme, car l'eau ne triche pas. Avec mes cuisses imposantes de sabreuse, je dois lutter à chaque instant pour maintenir la tête en dehors de l’eau. Jacqueline positionne une poubelle au milieu du bassin sur le côté pour prévenir tout accident de parcours. J'ai déjà eu le droit dès le lundi matin à la première heure à des "Ne vomis pas, sinon on doit tout évacuer" alors que mon petit déjeuner remuait un peu trop fort dans mon estomac à cause de l'intensité de l'effort.

"L'eau, c'est un combat"

Outre la trace des lunettes sur le visage, mes entraîneurs savent très bien quand le matin, j'étais en séance de piscine. Le corps, lors d'intenses séances aquatiques, ressent une fatigue profonde, puissante, belle, et qui permet de nourrir de l'ambition pour endurer l'intensité d'une saison sportive.

La semaine dernière, j'étais avec deux athlètes, spécialistes du sprint et l'un d'entre eux me disait : "La terre c'est un bonheur, je m'amuse, l'eau c'est un combat." On est pourtant nombreux à retourner quotidiennement dans l'eau, encouragés par Jacqueline. "Ce que les athlètes aiment, c'est qu'ils sont accompagnés. Les séances sont individualisées et ils arrivent à surmonter certaines peurs", souligne la spécialiste du papillon. "En ayant peu de repères dans l'eau, ils se donnent plus que dans leurs activités. Après, ils aiment ce défi et aller au-delà de ce qu'ils pourraient faire. C'est quand même un peu sadique."

Jacqueline ne prend pas de pincette. Ses cours sont précis, intenses, âpres, réparateurs. Outre les techniques de nage, elle nous apprend à gérer notre souffle, à focaliser notre attention sur l'essentiel, à travers des exercices d'apnée, de vitesse ou de relâchement. "Pour moi, c'est tout bénef, dès que les sportifs sortent de l'eau, ils sont contents de ce qu'ils ont fait", sourit notre entraîneur d'un jour. "Des fois, ils sont un peu frustrés, je les rassure : "aujourd'hui ça ne va pas bien, mais la prochaine séance ça sera différent. "J'essaie toujours de les valoriser et de trouver des points de repères qui les mettent en avant."

Pour cette grande dame de l'eau, sa mission est finalement toute trouvée : nous remettre en état de marche et pour tout ça, ça vaut le coup, à ses côtés, de plonger la tête la première.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.