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"Ils ont été négligents" : au Sénégal, le décès d’une femme enceinte à l’hôpital provoque une prise de conscience

Le Sénégal est bouleversé par le décès d’Astou Sokhna, une femme enceinte de neuf mois, morte à dans un hôpital régional après 20 longues heures de souffrance. Une  affaire révélatrice des violences faites aux femmes dans les établissements de santé.

Article rédigé par franceinfo - Théa Ollivier, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L’hôpital régional de Louga où est décédée Astou Sokhna (illustration). (ALIOU MBAYE / MAXPPP)

Prise de douleurs et de vertiges, Astou Sokhna, enceinte de neuf mois, s’est rendue à l’hôpital régional de Louga, une petite ville à 200 kilomètres au nord de Dakar, au Sénégal. Maimouna Ba, sa mère, qui l’a accompagnée, raconte comment sa fille a appelé en vain le personnel soignant pour être prise en charge. "Ma colère est adressée au personnel soignant de l’hôpital car ils ont été négligents. Ils n’ont aucune considération envers l’être humain", dénonce-t-elle.

"Astou les avait même menacés : ‘Vous me négligez, quand je vous appelle vous ne me répondez pas. Quand je serai rétablie, j’irais vous dénoncer à la direction’. Les sages-femmes lui ont répondu : ‘C’est parce que tu souffres que tu es en train de délirer’. Astou ne savait pas qu’elle allait mourir."

Maimouna Ba, la mère de la jeune femme décédée

à franceinfo

Effectivement, au bout de 20 longues heures de souffrance, la trentenaire décède.   Sa famille a porté plainte pour "négligence". Le personnel de l’hôpital rejette cette thèse et pointe plutôt du doigt leurs conditions précaires de travail.

Mais le drame a généré une mobilisation nationale et les langues commencent à se délier. Badiane Diop, qui vient de perdre son bébé le mois dernier, raconte aussi son calvaire. Elle a attendu plus de cinq heures avant que des sages-femmes ne se préoccupent de sa situation critique. "Comme toutes les autres, au moment de porter plainte, la famille s’est opposée donc j’ai laissé tomber. Mais au fond de moi, je ne leur pardonnerai jamais ce qu’ils m’ont fait et ce qu’ils ont fait à mon bébé." 

Face à ces cas de violences récurrentes, Mamyto Nakamura, membre du collectif justice pour Astou Sokhna, dénonce la "sutura", la culture de la "discrétion" qui empêche les femmes de témoigner.

Très rapidement, le directeur de l’Hôpital de Louga a été limogé. Six sages-femmes sont poursuivies dont quatre ont été placées sous mandat de dépôt pour non-assistance à personne en danger. Elles doivent être jugées le 27 avril devant le tribunal de grande instance de Louga. Le ministre de la Santé sénégalais Abdoulaye Diouf Sall a reconnu le 14 avril que la mort d'Astou Sokhna aurait pu être évitée avec plus de vigilance. Ousmane Dia, directeur des établissements publics du Sénégal, assure que des mesures sont prises par le ministère. "Le premier point c’est les formations pour les personnels de santé, c’est la déontologie mais aussi, nous allons réellement mettre l’accent sur les sanctions, pour faire craindre à ces personnes les mauvais comportements."   

Une nouvelle manifestation de soutien à Astou Sokhna est prévue le 23 avril prochain à Dakar. L'Alliance des syndicats autonomes de la santé (Asas) a annoncé de son côté dans un communiqué avoir entamé mercredi une grève de 72 heures, notamment en "soutien aux camarades de Louga" poursuivies par la justice.  

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