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En direct du monde. En Espagne, un film boycotté pour manque de patriotisme

Le film "La Reine d'Espagne" signé Fernando Trueba fait un bide énorme. Il ne serait pas assez patriote, et des Espagnols ont appelé à son boycott.

Radio France
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Fernando Trueba, réalisateur à Madrid le 30 novembre 2016. (ANGEL DIAZ / EFE)

Le film avait tout pour plaire. Le casting, déjà : Penelope Cruz, probablement la plus grande star du cinéma espagnol, dans le rôle principal de La Reine d'Espagne de Fernando Trueba. À ses côtés, d’autres acteurs très connus de l’autre côté des Pyrénées. Ce film estune tragicomédie grand public, c’était en plus la suite d’un film à succès, La fille de tes rêves, réalisé en 1998. Et pourtant, dans les salles, c’est un bide. Des entrées médiocres lors de la première semaine. Des chiffres deux fois plus mauvais celle d’après. Cette semaine enfin, le film n’est même plus dans les 10 films les plus vus d’Espagne. Et cet échec serait le fruit d’un boycott, dit-on en Espagne, contre son réalisateur, Fernando Trueba, jugé pas assez patriote.

Une provocation maladroite ou manque de patriotisme ?

Ce que reprochent les organisateurs du boycott au réalisateur espagnol Fernando Trueba, ce sont des propos tenus en septembre 2015, alors qu’il recevait le Prix national du cinéma, une récompense qui est décernée par le ministre de la Culture lui même, et qui est assortie de la somme de 30 000 euros. En recevant son prix, Trueba s’est fendu d’un petit discours, comme c’est de coutume, et il a déclaré : “ne jamais s’être senti Espagnol, pas même cinq minutes”. Il a ajouté qu’en cas de guerre, il préférait être avec l’ennemi, que lors de la campagne de Napoléon en Espagne, il aurait préféré que la France sorte vainqueur et, encore plus grave, qu’en matière de football, il ne supportait jamais la Roja, la sélection espagnole, mais plutôt les adversaires !

L'Espagne de la tauromachie et l'Espagne d'Almodovar

Une partie des Espagnoles prend cette provocation très au sérieux ! Le boycott est parti d’un tweet, qui a eu la chance d’être retweeté par un torero, Francisco Rivera Ordóñez, une star dans son milieu. Ce n’est pas vraiment un hasard. Parce que ces deux milieux culturels, le cinéma et la tauromachie, sont un peu la représenation, l’image d’Épinal, de deux cultures politiques. Le cinéma espagnol, c’est la culture de gauche, la tauromachie, celle de la droite. C'est une simplification, bien sûr, on trouve des aficionados socialistes et des cinéphiles conservateurs, mais il est vrai qu’une certaine Espagne adore dire qu’elle ne va jamais voir de films de réalisateurs espagnols, qu’elle accuse de vivre de subventions et d’inventer une Espagne à la Almodovar dans laquelle ils ne se retrouvent pas.

Alors, comment s'explique le bide de la Reine d'Espagne en salle: effet de la polémique ou film raté ? Les principaux concernés sont convaincus de la thèse du boycott. Antonio Resines, par exemple, l’un des principaux acteurs, participait à l’émission de divertissement El Hormiguero. "Maintenant ça suffit ! s'est-il emporté. On ne peut pas crucifier les gens gratuitement. On a tous le droit à se tromper. Probablement, l’une des raisons pour lesquelles les gens ne sont pas allés voir le film, c’est qu’ils ont suivi ceux qui leur disaient qu’il ne fallait pas le voir, parce qu’il a été fait par un gars anti-espagnol. Fernando [Trueba] est la personne que je connais qui aime le plus l’Espagne !"

Voilà où l’on en est : les amis du réalisateur sont obligés de dire que Trueba est un bon Espagnol. Le film raconte une histoire inventée, celle du tournage d'un film américain pendant le Franquisme. C’est assez bien vu et c’est assez drôle. Ce n’est pas un chef d’œuvre mais on peut croire qu’effectivement, il aurait eu plus de succès s’il s’était passé de cette polémique dont l’Espagne a le secret.

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