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En Cisjordanie, une arme gérée par une intelligence artificielle testée à un checkpoint suscite l'inquiétude

L'armée israélienne a mis en place à Hébron, ville occupée au sud de la Cisjordanie, une nouvelle technologie : une arme automatique, installée sur un checkpoint en pleine rue, qui peut être contrôlée à distance.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un checkpoint contrôlé par l'armée israélienne en avril 2022 (ABBAS MOMANI / AFP)

Cette arme a été installée au-dessus d’un checkpoint israélien, celui de la rue Shuhada, dans la ville palestinienne d’Hébron. Au-dessus des tourniquets de métal, des barbelés et des grillages, les habitants ont remarqué ce nouvel objet : un fusil assez intrigant, équipé d’un paravent. C’est ici, à ce checkpoint, que les allées et venues des Palestiniens sont contrôlées dans cette ville. Hébron est coupée en deux : d’un côté, H1, entièrement sous contrôle palestinien, et, de l’autre, H2, où vivent 700 colons israéliens, protégés par autant de soldats, au milieu de 35 000 Palestiniens.

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Les Palestiniens de cette zone doivent passer ici tous les jours. C’est le cas de Mohammad, 19 ans, qui habite dans la rue des Martyrs. "Certains jours, on est victimes d’intimidation, on subit également le harcèlement des soldats et des colons. On vit dans une prison. Nous n’avons presque aucun répit. On ignore comment fonctionne exactement cette nouvelle arme qu’ils ont installée. On sait seulement qu’elle peut tirer toute seule, c’est une sorte d’arme autonome. Rien n’a vraiment changé depuis son installation. Mais Dieu sait ce qu’ils testeront encore sur nous à l’avenir", regrette-t-il.  

Atténuer les responsabilités des soldats

Cette arme, en effet, peut être contrôlée à distance. Elle a été développée par la société Smart Shooter, "tireur intelligent" en français, et utilise des algorithmes similaires à ceux des missiles de précision. Grâce à une intelligence artificielle, elle permet à l’opérateur d’identifier une cible, la suivre et garantir "sa neutralisation". L’entreprise précise qu’elle ne peut pas discuter directement de ce qu’il se passe dans la ville palestinienne d’Hébron, question de confidentialité, mais souligne l’objectif de ce type de technologies : "mettre les soldats hors d’atteinte, hors de danger, en cas de répliques ou de violences" et atténuer leurs responsabilités. En quelque sorte, ce n’est plus un soldat qui tire : il peut le décider, mais ce n'est plus lui qui appuie sur la gâchette. Il n’a plus la dernière action. L’armée israélienne ajoute, de son côté, que l’arme n’est pas "opérationnelle" sur ce checkpoint, mais reconnaît qu’elle peut tirer des balles d’acier recouvertes de caoutchouc ou des gaz lacrymogènes.

Inadmissible pour Romel, un commerçant palestinien de 55 ans, qui précise que le checkpoint a été construit en face de sa maison. 

"Pour les Israéliens, la vie d’un Palestinien n’a aucune valeur. Pour eux, nous ne sommes pas des êtres humains. Ils ont certainement plus de considérations pour les animaux que pour nous. Mettre une telle arme ici, c’est criminel.

Romel, habitant de Hébron, à franceinfo

Il poursuit : "Il y a des enfants qui passent par cette rue, des écoliers. Ce sont des civils qui vivent dans ce quartier. Rien ne justifie qu’une telle arme soit déployée ici. C’est vrai qu’il peut y avoir des affrontements parfois, mais ce n’est jamais très grave". Devant le magasin de Romel, un autre habitant, Monzer, est plus cynique : "Les Israéliens n’ont pas besoin d’une arme intelligente, dit-il, pour se débarrasser de nous". 

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