À Bruxelles, des chercheurs d'or fouillent les égouts
Des chercheurs belges sont en train de mettre au point un procédé économique et écologique pour récupérer des métaux lourds dans les eaux usées de la ville.
Plomb, zinc, étain, or, argent, platine... Nos sous-sols regorgent-ils de richesses ? Des scientifiques de l'université de Bruxelles et du laboratoire Labiris sont en train de répondre à la question en tentant de récupérer les métaux lourds dans les eaux usées de la ville, un projet financé par la région bruxelloise.
À l’aide d’un pilon, la chercheuse Natacha Brion écrase dans un bol ce qui ressemble à une poignée de terre. Ce sont des boues déshydratées qui proviennent de la station sud. "En fait ici, j'homogénéise parce que les boues sont grumeleuses, explique la chercheuse. Elles ont été séchées déjà."
L'érosion des bijoux, mais pas que...
Ces boues proviennent directement de nos éviers, de nos toilettes, ou encore de la poussière du sol drainée par les pluies. Des eaux usées, transformées en boues épaisses et dans lesquelles c’est la présence d’or qui intrigue le plus les chercheurs : "L’hypothèse la plus probable est que cela provient de l’érosion des bijoux, avance Natacha Brion. Il y a aussi certains médicaments qui contiennent des traces d’or, notamment des médicaments contre les rhumatismes. Pour l’argent, on a une meilleure idée de sa provenance. Actuellement, c’est pas mal utilisé comme un antibactérien dans tout ce qui est vêtement de sport dit 'technique'. On utilise les microparticules d’argent contre les odeurs. Les platines, eux, proviennent essentiellement des catalyseurs des moteurs diesel, donc se retrouvent dans les poussières des rues, et quand il pleut, vont dans les égouts et sont récupérés au niveau des stations d’épuration".
Double objectif : le recyclage et les économies
Les boues étaient traditionnellement recyclées en engrais pour l’agriculture. Mais cette période est quasi-révolue, en raison justement de leur teneur en métaux lourds. Cette pratique est désormais interdite en Flandre et dans de nombreux pays européens. Pour le professeur à l’ULB Gilles Bruylants, mettre au point un procédé d’extraction efficace a donc un double objectif : "En extrayant ces métaux de ces boues, d’abord on les transforme en ressources. Elles ne sont plus considérées comme des déchets et on va donc éviter les frais liés à leur élimination. La région dépense plusieurs millions d’euros pour se débarrasser de ces boues."
Le défi : extraire les métaux via la "chimie verte"
Le projet baptisé SUBLIMUS sera-t-il rentable ? Il faut d’abord évaluer la quantité de métaux précieux. Il y aurait un gramme d’or et dix grammes d’argent par tonne de boue, selon les premières estimations, ce qui est prometteur car un gramme d’or par tonne, c’est ce que l’on trouve désormais dans les mines d’or dont la richesse s’épuise, affirme Natacha Brion. L’objectif vise ensuite à développer un dispositif d’extraction à grande échelle efficace et 100% écologique en utilisant des bactéries et des nanoparticules. "Pour l’or, les techniques classiques existent avec des cyanures mais c’est très toxique, explique Natacha Brion. Ici l’objectif est de ne pas utiliser de cyanures, de faire de la chimie verte."
C’est un pari, ajoute la chercheuse, car c’est très nouveau et très exploratoire. La grande étape sera d’industrialiser le procédé. Les chercheurs belges se sont donné trois ans pour réussir.
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