Cet article date de plus d'onze ans.

Un fonds pour ne pas toucher le fond

Avec les fêtes de fin d'année, l'heure est aussi à la solidarité. Alors que les bénévoles s'activent pour réconforter et offrir un Noël aux plus pauvres, les associations sont inquiètes quant à leur avenir. Un nouveau fonds européen d'aide aux plus démunis va bientôt remplacer le programme européen d'aide alimentaire. Il aura des attributions plus larges, mais sera moins bien doté: 2,5 milliards d'euros sur 7 ans, sur lesquels les 27 n'ont pas réussi pour l'instant à se mettre d'accord.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)


Si le fameux PEAD, le programme européen d'aide alimentaire, a pu être sauvé
in extremis pour 2013, plusieurs pays dont l'Allemagne, la Suède et le
Royaume-Uni sont opposés à l'idée même d'une aide alimentaire de solidarité européenne. Ils
estiment que le caritatif doit être géré au niveau national, et ils ont
obtenu gain de cause devant la Cour européenne de justice: le PEAD n'est plus en conformité avec la
loi européenne, puisqu'il n'y a plus d'excédents qui justifiaient à son origine son intégration
dans le budget de la PAC, budget aujourd'hui en cours de renégociation.
Bruxelles a donc proposé un nouveau Fonds européen d'aide aux plus démunis pour
2014 - 2020.


Un fonds doté de 2,5 milliards d'euros

Or ce fonds serait doté d'un budget de 2,5 milliards d'euros sur 7 ans. Contre 500 millions par an actuellement (70 millions pour la France), pour la seule aide alimentaire. Le PEAD a permis de distribuer des repas à 18 millions d'Européens dans le besoin, dont 4 millions de Français. Pour Karima Delli, députée européenne du groupe des Verts, le calcul est vite fait: les associations seront
perdantes, puisqu'il manquera en tout un milliard d'euros. D'autant plus que ce
fonds ne couvrira pas seulement l'aide alimentaire. Il ira plus globalement aux
sans-abris et aux enfants, leur apportera aussi une aide matérielle, des
vêtements, des chaussures, de meilleures conditions d'hygiène. En sachant que
les besoins ne cessent d'augmenter: 115 millions de personnes vivent
actuellement en-dessous du seuil de pauvreté en Europe parmi lesquelles 40
millions n'ont pas accès à une alimentation saine. Or l'Europe s'était fixé
comme objectif de réduire leur nombre à moins de 20 millions de personnes d'ici
2020.


Les conditions d'attribution vont également être changées

L'aide ne sera plus attribuée aux associations mais directement aux Etats,
avec un cofinancement à hauteur de 15%. Or nous sommes en période de crise, rappelle Karima Delli: certes des
aménagements sont prévus pour les pays les plus touchés - la Grèce ne devra
participer qu'à hauteur de 5% -, mais il n'est pas sûr que tous pourront le faire. D'autant plus que seulement 20 Etats sur 27 utilisent le fonds; d'où l'existence d'une
minorité de blocage, qui a contribué à l'échec du Conseil européen de novembre, sous présidence chypriote.
Le prochain sommet consacré à ces perspectives financières devrait avoir lieu les 7 et 8
février.

Faire aboutir ces difficiles négociations budgétaires sera le principal
défi de l'Irlande, qui s'apprête à prendre les rênes de
l'Union européenne pour les six prochains mois.

Des stratégies nationales globales d'accompagnement

D'ici là toutes les possibilités seront examinées, lutter contre le
gaspillage, réduire les circuits de distribution, et surtout recourir à un autre fonds, le Fonds
social européen, dont 20% vont être gelés, justement pour lutter contre la
pauvreté et l'exclusion. Karima Delli souligne néanmoins qu'il n'a pas été conçu pour répondre à l'urgence, que les associations n'ont pas toujours les moyens de monter des dossiers complexes et ne disposent souvent pas de la trésorerie nécessaire pour démarrer les projets en vue d'obtenir un financement.

"Ces fonds ne sont qu'une goutte d'eau face à la détresse des plus vulnérables ", souligne l'eurodéputée, qui en appelle à des stratégies nationales globales d'accompagnement social, de logement, d'accès aux services publics, d'insertion professionnelle, "des vraies politiques structurelles ". En ce sens, le nouveau fonds européen lui paraît une bonne chose, mais à condition d'être mieux doté, afin d'éviter que son application plus large ne se fasse au détriment de l'aide alimentaire, absolument nécessaire et déjà insuffisante.

Car le caritatif ne doit, ne peut pas se substituer au politique.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.