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Les prisons françaises chroniquement à la traîne

Surpopulation, suicides, recul des droits fondamentaux depuis les attentats et l'instauration de l'état d'urgence : la situation dans les prisons françaises inquiète aussi bien le Conseil de l'Europe que la contrôleure générale des lieux de privations de liberté en France, Adeline Hazan. Les solutions existent, mais les pouvoirs publics préfèrent mettre l'accent sur la sécurité.
Article rédigé par Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Le centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne compte environ six cents détenus © maxppp)

Malgré quelques progrès et une prise de conscience de la part des pouvoirs publics, rien n'y fait: la France reste l'un des 47 pays les plus mal classés du Conseil de l'Europe, aussi bien en termes de surpopulation carcérale (115 détenus pour 100 places, alors que la moyenne est de 91,7) que de taux de suicides dans les prisons (12,4 faits dénombrés pour 10.000 détenus, pour une moyenne européenne de 7,6 et une médiane de 5,4).  

C'est ce que soulignent aussi bien les experts du Conseil de l'Europe que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté en France, Adeline Hazan, très préoccupée face à la persistance d'un phénomène qui fait de la France "le 7e pays le plus surpeuplé ", derrière la Hongrie, la Belgique, la Macédoine, la Grèce, l'Albanie et l'Espagne.

Il s'agirait ainsi de réorganiser les lieux de détention, de déplacer les personnes condamnées vers les centres pénitentiaires où il y aurait plus de place et refaire les comptes à ce moment-là, explique l'expert.

Autres solutions, préconisées notamment par Adeline Hazan: la "régulation carcérale " consistant à différer des incarcérations ou à libérer certains détenus en fin de peine, et bien sûr le développement des peines alternatives. 

"Le surpeuplement entrave considérablement la réinsertion des délinquants et, par là même, les possibilités de mieux protéger la société contre la criminalité", souligne le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjorn Jagland, qui appelle les Etats concernés à" redoubler d'efforts pour venir à bout du problème ".

Or telle ne semble pas être la priorité du gouvernement français, qui "fait balancer le curseur beaucoup plus vers l'impératif de sécurité que vers le respect des droits fondamentaux ". Et Adeline Hazan de dénoncer une "pratique attentatoire à des droits fondamentaux comme le maintien des liens familiaux ", qui se généralise depuis les attentats et l'instauration de l'état d'urgence en janvier 2015 :

La contrôleure générale des lieux de privations de liberté s'inquiète par ailleurs du débat actuel sur la question d'une perpétuité réelle, "mesure totalement inique et absolument pas conforme à l'esprit de la justice pénale en France ". Et dénonce la volonté du nouveau garde des Sceaux de rattacher le renseignement pénitentiaire à la sécurité intérieure, projet critiqué à l'époque par Christiane Taubira, mais réintroduit par Jean-Jacques Urvoas dans la loi contre le crime organisé et le terrorisme.

"Ce n'est pas le métier des surveillants de se transformer en agents de renseignement", explique la contrôleure, qui redoute une "dégradation de la relation surveillants-détenus ".

Baisse de la confiance et augmentation des tensions dans un contexte de surpopulation et d'atteinte aux droits fondamentaux: un cocktail explosif qui ne fera qu'empirer le vécu de la détention... au lieu de viser ce qui devrait demeurer l'objectif premier de la prison : la réinsertion.

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