Le brevet unique, un dopant pour l'économie européenne
Améliorer la sécurité juridique, simplifier les procédures, et surtout réduire les coûts, y compris ceux liés aux litiges, tels sont les objectifs visés par ce brevet unique européen. A partir de 2014, tout inventeur ou entreprise pourra déposer un brevet, qui lui assurera une protection dans 25 Etats membres, sans avoir à répéter la procédure dans chacun des pays. Selon la Commission européenne, cela lui coûtera entre 4725 et 6425 euros maximum. A l'heure actuelle, un brevet émis par l'Office européen des brevets peut coûter jusqu'à 36.000 euros, essentiellement des frais de traduction.
En réduisant les coûts par 7, l'Union vise à doper la compétitivité de son économie. A titre de comparaison, le dépôt d'un brevet coûte 2000 euros aux Etats-Unis, 600 euros en Chine. La mise en place d'un système unique de règlement des litiges permettra d'éviter les procès parallèles dans différents pays, qui s'élèvent déjà à plusieurs centaines par an pour les innovations à valeur élevée sur le marché.
Michel Barnier, le Commissaire européen en charge du Marché intérieur, s'est immédiatement félicité du feu vert du Parlement européen pour ce brevet "plus simple et moins cher", attendu "depuis 40 ans". "Ce jour est à marquer d'une pierre blanche pour les entreprises européennes" s'est réjouie, à l'issue du vote, l'eurodéputée Marielle Gallo, du Parti Populaire Européen.
L'idée d'un brevet unitaire, valable dans tous les Etats membres, remonte en fait à 1957, avec la création de la Communauté économique européenne. Un "brevet communautaire unifié" aurait dû voir le jour avec la convention de Munich en 1973, mais l'accord n'est jamais entré en vigueur. En 1989, nouvelle tentative infructueuse avec l'accord de Luxembourg.
En 1997, la Commission européenne publie un Livre vert sur le "brevet communautaire", le propose en 2000, présente un projet révisé en 2004, mais il échoue une nouvelle fois, pour un désaccord sur des questions linguistiques. Ultime tentative en 2011. Là encore, l'Italie et l'Espagne refusent d'y participer pour protester contre le fait que les demandes de brevets ne soient traitées qu'en anglais, allemand et français, les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, organe non communautaire, basé à Munich.
En juin 2012, alors que les trois institutions sont enfin parvenues à un accord, la Grande-Bretagne exige de retirer du règlement plusieurs articles en référence avec la législation européenne, qui permettaient une définition des brevets, un contrôle et d'éventuelles sanctions par l'Union. Mis devant le fait accompli, le Parlement européen refuse de voter.
Lors de cette session de décembre, il accepte finalement le "compromis de sortie de crise" négocié par la présidence chypriote, qui prévoit une "juridiction unifiée", créée par le biais d'un accord international, conclu entre les 25 Etats membres participant à la procédure. Les amendements du groupe des Verts soulignant les menaces notamment en matière de semences et de logiciels libres sont rejetés. D'où la déception de l'eurodéputée verte Sandrine Bélier, mais aussi de la socialiste Françoise Castex, qui dénoncent le "coup de force", à la fois des Britanniques et de la Commission, tout en soulignant les avancées du texte.
Afin de "garantir son efficacité", le système de règlement des litiges consistera en une structure décentralisée, que certains qualifient déjà d'usine à gaz : le tribunal de première instance sera basé à Paris, tout comme la chambre chargée des brevets sur l'électricité, les télécoms et le BTP. La mécanique générale sera examinée à Munich, les médicaments et les biotechnologies à Londres. Le siège de la Cour d'appel des brevets sera basé à Luxembourg. Ce système doit lui aussi entrer en vigueur à partir de 2014.
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