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La politique migratoire de l’UE pèche par manque de solidarité

"Mare Nostrum" cède la place à "Triton". Depuis une semaine, l'Italie a officiellement passé le relais à l'Union européenne pour la surveillance et le sauvetage des migrants en Méditerranée. Gérée par Frontex, l'opération va devoir empêcher de nouveaux drames avec moins de moyens.
Article rédigé par Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Les naufrages d'embarcations de migrants sont courants au large des côtes libyennes © AP/SIPA)

 150.000 vies sauvées. C’est le précieux bilan de l’opération Mare Nostrum, lancée par l’Italie en octobre 2013 après les dramatiques naufrages de Lampedusa et de Malte au cours desquels près de 400 personnes avaient péri. Pendant un an, 900 soldats de la Marine italienne ont patrouillé chaque jour dans les eaux internationales, dépensant jusqu‘à 9 millions d’euros mensuellement pour un coût total de 114 millions d’euros (Rome a reçu de la Commission européenne une aide de 1,8 milliards par le biais de mesures d’urgence prises dans le cadre du Fonds pour les frontières extérieures).

Mais loin de féliciter l’Italie, les Européens  lui reprochent d’avoir créé un « effet d’aspiration », un « pont vers l’Europe » en encourageant les réseaux de passeurs à multiplier les voyages dans des conditions de plus en plus risquées. Faute de soutien de ses partenaires, l’Italie a décidé de renoncer à Mare Nostrum et de leur passer le relais. Depuis le 1er novembre, c’est l’opération Triton qui assure les patrouilles en mer, gérée par Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures de l’Union.

Or, comme son nom l’indique, Frontex est un organisme de surveillance, le sauvetage ne figure pas dans ses attributions, même si de facto elle y contribue dans nombre de ses missions et interventions. L’ambition de Triton est radicalement différente : l’opération n’est pas destinée à sauver des vies. La priorité n’est plus donnée au sauvetage mais au contrôle et à la lutte contre l’immigration irrégulière, et c’est précisément ce qui inquiète les associations comme Amnesty International et Médecins sans frontières.

"Les opérations de recherche et de secours seront limitées aux eaux sous juridiction italienne, grecque ou maltaise, le long des côtes européennes ; elles n’iront plus jusqu’aux eaux territoriales libyennes" , s’inquiète l’eurodéputée socialiste Cécile Kyenge, née Kashetu Kyenge, ex-ministre en charge de l’intégration dans le gouvernement Letta. Qu’adviendra-t-il des naufragés en haute mer ? Et surtout comment éviter que les migrants ne se jettent dans les bras des passeurs et s’entassent dans les embarcations de fortune ?

"Seule solution : une nouvelle politique migratoire, en partenariat avec les pays-tiers et les Nations-Unies, pour protéger les droits des migrants, encourager l’aide au développement et favoriser l’épanouissement économique et humain sur place" , souligne Cécile Kyenge. Une politique qui repose sur une plus grande solidarité entre Etats membres, car "sans solidarité, c’est la fin du projet européen" .

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