L'Europe a du mal à mettre les paris truqués hors-jeu
"Réguler, maîtriser et moraliser les jeux en ligne " :
tel est l'objectif fixé par le Commissaire européen au Marché intérieur, Michel
Barnier.
7 millions d'Européens jouent régulièrement en ligne, dont beaucoup de
jeunes, pour un chiffre d'affaire qui s'accroît de 10% par an et qui devrait
atteindre 13 milliards d'euros en 2015. Pour Michel Barnier, les enjeux sont
donc considérables, des enjeux économiques, sociaux et politiques, mais aussi éthiques. Il s'agit notamment
de protéger les mineurs, et de garantir la "sincérité " des matchs
et des paris : Michel Barnier estime "logique et moral d'interdire à
des joueurs, à leur entourage et à leur staff technique de parier sur les
manifestations sportives auxquelles ils participent ".
Un marché fragmenté
et des législations disparates
Or le secteur des jeux d'argent et de hasard sur internet
est l'un des rares services commercialisables à ne pas être réglementé au
niveau européen. Certains pays comme l'Allemagne ou la Suède pratiquent une
interdiction totale, d'autres disposent d'un marché entièrement libéralisé,
comme l'Estonie. La plupart des pays autorisent et régulent le marché des jeux
en ligne, comme le Royaume-Uni ou la France. Une fragmentation du
marché devenue problématique à l'heure d'internet, du marché intérieur, d'une
offre et d'un nombre de joueurs en croissance constante.
La coopération, à
défaut d'harmonisation
Devant l'impossibilité d'accorder les 27 sur une législation
harmonisée, Bruxelles a donc proposé une série de mesures pour parvenir à un "degré
élevé de coopération ", y compris avec les fédérations sportives, pour
lutter contre les paris illégaux, le
blanchiment d'argent et l'addiction aux jeux en ligne. Il s'agit aussi de mieux
protéger les consommateurs, notamment les mineurs.
Le plan d'action de la Commission européenne encourage la création
d'autorités de régulation dans chaque pays, vise à "promouvoir des
échanges d'information plus rapides, des dispositifs de signalement des
dysfonctionnements et une coopération nationale et internationales entre
parties concernées ". Si cette coopération ne suffit pas, Michel Barnier n'exclut
pas de présenter une législation européenne, qu'il juge d'ailleurs nécessaire.
Un cancer qui a rongé
l'Asie avant de s'attaquer à l'Europe
Car l'affaire "Karabatic " n'est qu'une illustration
d'un fléau qui touche l'ensemble du monde sportif, et qui dépasse de loin les
frontières de l'Union. Selon le Conseil de l'Europe, qui tente d'élaborer des règles communes acceptables par ses 47 Etats membres, 500 milliards de dollars de chiffre d'affaire
seraient générés chaque année par le milieu du sport dans le monde. Les sites
illégaux aux mains de mafias se multiplient. Tous les pays, tous les milieux, tous
les sports sont touchés par ce véritable cancer, qui a d'abord rongé l'Asie et s'attaque
désormais à l'Europe.
La France veut être
leader
Au mois d'avril, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
estimait que sur 15.000 sites de paris sportifs, 85% étaient interdits et
auraient servi à blanchir 140 milliards d'euros. A tel point que pour certains joueurs,
les paris rapportent bien plus que le fait de gagner un match. D'où l'urgence d'interdire
les paris sur les compétitions les plus vulnérables à la corruption, comme les
matchs de deuxième division et les compétitions amateurs. D'améliorer la
formation des sportifs sur les risques. De mieux encadrer la publicité. De
mieux informer les consommateurs.
La France affirme
jouer un rôle de leader dans ce combat. L'UEFA et le CIO se disent partants,
même s'ils sont souvent eux-mêmes dans le collimateur. Un pari qui est loin d'être
gagné.
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