Libéré mais privé d'adieux à ses ouailles
Dans le petit deux pièces qu'il occupe depuis février, la machine à expresso tourne à plein régime. "Je vous en refais un? De toute façon, moi j'en reprends ".
Café, vin, pain, bouquins... Cela fait partie des petits bonheurs matériels auxquels Georges Vandenbeusch goûte à nouveau avec plaisir. Sur le mur, une photo du col du Grand-Saint-Bernard en Suisse où le prêtre à l'allure sportive est allé se ressourcer au retour de sa détention.
"Il va falloir que je me réadapte "
Au milieu de ses trois bibliothèques murales, dans son salon à l'unique fauteuil - "il va falloir que je me réadapte, on ne s'asseoit pas beaucoup en tailleur ici "- l'ex-prisonnier du groupe islamiste Boko Haram décrit avant tout ses 7 semaines de captivité comme un "vide ". Vite oublié.
"La page otage est tournée. La page curé de Nguetchewe, c'est plus dur ".
Nguetchewe, c'est la paroisse du nord du Cameroun où le quadragénaire au grand front et aux petits yeux vifs a officié pendant 2 ans avant d'être enlevé et emmené au Nigéria voisin. Nguetchewe, où le prêtre venu des Hauts-de-Seine se sent concrètement utile. Que ce soit pour le creusement d'un puits ou la scolarisation des jeunes filles. Nguetchewe où l'Eglise est dit-il "naissante" .
"Dans la paroisse il y a aujourd'hui environ 2000 catholiques. Ils étaient 30 dans les années 1970. Les adultes qui préparent le baptême n'avaient pas de parents chrétiens".
A ces fidèles, Georges Vandenbeusch n'a pas pu dire au revoir. Il est rentré directement en France à sa libération à la fin décembre. Raisons de sécurité.
Le rêve d'un retour au Cameroun
Depuis, il a régulièrement ses anciens paroissiens au téléphone. Il va leur envoyer des photos prises là-bas. Et rêve d'y refaire un saut. En attendant, il commence à réfléchir à la mission que lui a confiée son évêque. Mission sur le dialogue islamo-chrétien. "Prier à côté de mes geôliers, c'était déjà un début de dialogue " philosophe-t-il. Sans complaisance.
"Leur pardonner, ce serait peut-être bien pour un chrétien, mais ils ne m'ont pas blessé au point que j'aurais à le faire. Ce qui est grave, c'est ce qu'ils font aux populations civiles. Il faudrait qu'il y ait un processus de négociation et en même temps une armée pour leur faire la guerre sérieusement ".
De sa détention, le père Vandenbeusch a tiré deux enseignements, professionnel et personnel. L'importance de se détacher des pressions et urgences du quotidien. La nécessité d'accorder plus de temps à ses proches, lui qui a perdu père et mère à 7 ans, dans le naufrage du voilier familial auquel il a réchappé. Privé de messe pendant les sept semaines qu'il a passé sur une bâche abrité sous un arbre, il a ressenti une émotion particulière pour ses premières célébrations post-détention.
Il officie désormais tous les jours dans les deux paroisses de Courbevoie auxquelles il a été rattaché. En enfilant son aube dans la sacristie de l'église Saint Maurice de Becon il glisse: "Il y a beaucoup de gestes, de choses quotidiennes qui deviennent une grande chance".
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