Charlie, avec un Y à la fin
Glauque matinée. Glauque, comme ce petit crachin qui tombait sur nos épaules glacées. À la sortie du métro Saint-Ambroise, j’entame une rapide discussion avec un homme vêtu de noir, en gilet par balle. C'est un policier en civil.
Je me retourne, je vois Riss, dessinateur de Charlie, nouveau patron du journal. Très très entouré. Ses gardes du corps ne le quittent pas. Je m’approche, le salue. D’autres arrivent.
Ils se regroupent … ceux qui restent, après ce carnage du 7 janvier 2015.
Riss , les yeux dans le sol
Ils entrent dans un café. La femme du policier Franck Brinsolaro, abattu alors qu’il était le garde du corps de Charb, attend dehors. C’est une femme en colère. Ingrid Brinsolaro a déposé plainte. Elle estime que la sécurité des journalistes n’était pas suffisamment assurée.
Je la salue, elle n’a pas envie de parler. À l’intérieur : Malika, rédactrice à Charlie. Et des policiers, beaucoup de policiers.
«On peut avoir trois cafés, s’il vous plait ? »
Ça, c’est Coco. Coco… qui a été obligée, sous la menace des frères Kouachi, de composer le code d’entrée de l’immeuble qui abritait la rédaction. Coco, dessinatrice.
Les visages sont fermés. Riss a les yeux dans le sol. Des silences se font… se défont. Le moindre sourire pèse 100 tonnes. Quelqu’un paie… Tout le monde sort.
Coco m’embrasse
Je ne comprends pas pourquoi. Elle me dit que ça lui fait plaisir…
Dehors…toujours ce crachin glaçant. On marche. Direction la rue Nicolas-Appert. C’est tout près… une marche interminable. On longe le boulevard Richard Lenoir. Tout parait gris. Les yeux du garde du corps de Riss sont de vrais lasers. Ils scannent tout.
On arrive. Barrage de policiers, périmètre de sécurité.
LA faute d'orthographe
Quelques personnes présentent une invitation. Je vois le frère de Cabu, dessinateur, assassiné. Je m’approche. Je bafouille un : "Je suis désolée, tellement désolée". On se regarde. J’ai l’impression de le connaitre depuis des lustres, comme ma famille.
On pleure ensemble, je lui serre le bras, il me touche la main. Puis il s’en va.
Les journalistes sont tenus à l’écart. Une fois la cérémonie terminée, on va voir une plaque, marron. Mal imprimée, avec une faute d’orthographe au nom de Wolinski. Ils ont mis un y à la fin, au lieu d’un i. Je n’en reviens pas ! Je n’y crois pas ! Des copains me disent que Wolinski en aurait ri. Quel genre de blague ? Quel jeu de mot ? Désolée, j’ai pas eu envie de trouver.
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