C'est mon week-end. Spécial écrivains-voyageurs : la fureur de vivre d'Eliott Schonfeld en Amazonie
A 27 ans, Eliott Schonfeld est le plus jeune membre de la société des explorateurs français. Dans son livre "Amazonie : sur les traces d’un aventurier disparu" (éditions Payot), il retrace son expédition en pleine jungle amazonienne sur les pas d'un pionnier de l'exploration, Raymond Maufrais, disparu en Guyane en 1950.
Eliott Schonfeld est parti seul à 27 ans, sur les pas de Raymond Maufrais, jeune résistant, qui, en 1950, tenta de traverser seul la Guyane française d’ouest en est. De lui, on ne retrouva que son carnet de voyage, perdu, au milieu de la forêt…
"Allons garçon, supporte les mauvais moments dans l’attente des bons. Tout passe. Tu vis la plus belle aventure de ta vie, celle que tu pourras raconter à tes petits-enfants, si un jour tu en as, en guide de conte de fées. Marche pieds nus, vêtu du simple calimbé (vêtement traditionnel des Amérindiens de Guyane), tanne ta peau au soleil, durcis tes mains, tes pieds. (…) Songe que tu es en brousse et que tu cours les bois pour vivre librement et t’instruire encore."
L’explorateur Eliott Schonfeld se reconnaît parfaitement dans cet extrait du récit Aventures en Guyane de Raymond Maufrais, qui a décidé en 1950 de partir traverser une partie de l'Amazonie pour rencontrer une tribu isolée et retrouver ses instincts oubliés.
Raymond Maufrais est mort à 23 ans dans cette jungle, c’est un indien Émérillon qui a retrouvé par miracle son carnet quelques mois après sa disparition. "La lecture de son livre a été un tel choc, il a changé ma vie, et inconsciemment je me suis dit qu’il fallait que j’aille sauver Raymond Maufrais, en tout cas symboliquement", confie Eliott Schonfeld.
En juillet 2019, le jeune aventurier débarque en Amazonie
Un couteau, une machette, un briquet, une bâche, un hamac, une caméra et un téléphone satellite, voilà pour le matériel de l’expédition.
"Pendant toute la première partie du voyage, j’ai remonté en pirogue la rivière Waki. Et donc, les trois quarts du temps, j’étais dans l’eau en train de pousser et soulever ma pirogue pour passer tous ces rapides-là."
Dans la jungle, Eliott n’a pas l’impression de s’extraire du monde, mais au contraire d’entrer dans le monde en acceptant les limites imposées par les justes lois de la nature. Et la réalité dépasse parfois l’imagination. Surtout quand la jungle recouvre littéralement la rivière avec ses branches et ses lianes.
"Et c’étaient des moments très angoissants, parce qu’on se sent perdu, enfermé, et donc il faut y aller avec la machette."
La notion du temps est guidée par le soleil, par le cri des animaux qui émergent à différents horaires, c’est l’horloge du vivant. Et quand Eliott ne voyait pas le ciel recouvert par les arbres, il y avait les lucioles.
"Je n’ai jamais vu autant de lucioles de ma vie ! Elles remplaçaient les étoiles et j’avais l’impression qu’il y avait des astres volants, qui brillaient de mille feux et tournaient autour de mon hamac."
Entre deux tempêtes de pluie, il faut aussi accrocher son hamac là où les fourmis n’ont pas élu domicile. "C’est ce qui peut prendre le plus la tête en Amazonie, parce que contrairement aux moustiques qu’on peut arrêter avec une moustiquaire, il y a des fourmis, qui font la taille d’un demi millimètre, et c’est peut-être celles qui font le plus mal d’ailleurs."
Et ce qui fait le plus vibrer l'aventurier, c’est d’observer tous ces animaux et de réapprendre, comme il dit, à vivre sur terre. "C’est-à-dire réapprendre à vivre en harmonie avec ce qui nous entoure, et essayer de renouer avec des connaissances que l’homme a connues et expérimentées 99,9% de son histoire."
100 grammes de riz blanc, de coquillettes ou de couac (farine de manioc), Eliott prend un seul repas par jour. Quand vient ce jour où il ressent, sept heures durant, une douleur insoutenable en bas de l’estomac. Il se voit mourir. "Peut-être que c’était une infection très courte, je ne sais pas, en tout cas après avoir vécu cette nuit-là, j’ai eu une fureur de vivre, et je n’ai jamais marché aussi vite dans la jungle."
"Aller de l’avant ou crever", comme l’écrivait Maufrais. Le meilleur rempart contre les coups durs et les crises de panique, c’est l’humour. "Je rigolais avec les singes quand je les croisais, ils ne comprenaient pas toutes mes blagues, mais ça se passait bien."
Après un mois d’expédition, Eliott Schonfeld atteint Dégrad Claude
Et il réussit à se construire un radeau en bambou, là où Raymond Maufrais avait échoué. "Maufrais a fini très amaigri, très affaibli, si bien qu’en fait il a décidé d’abandonner toutes ses affaires, dont son carnet, et de partir à la nage, et il est probablement mort deux ou trois jours après."
Après 46 jours passés seul dans la jungle, escorté par des anacondas, Eliott Schonfeld rencontre trois Indiens de la tribu des Tekos. À ce moment-là, il sait qu’il a réussi. Un an et demi après cette expédition en Amazonie, il n’a qu’une envie : y retourner.
"Mais en ayant appris toutes ces choses-là, c’est-à-dire plus dans les mêmes conditions. J’aimerais retourner vivre avec les Indiens pour apprendre à chasser, à construire un arc, à pécher, à regarder comme ils regardent…"
Amazonie, sur les les traces d'un aventurier disparu, par Eliott Schonfeld (,). Le film est téléchargeable sur le site de l'aventurier.
Ecouter l'entretien intégral avec Eliott Schonfeld.
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