Six cents emails personnels par mois ne suffisent pas à être licencié
C’est une drôle de décision que vient de prendre la cour de cassation
Et quand c’est la cour de cassation qui parle, tout le monde l’écoute puisque ses jugements s’imposent à tous les juges de France.
La cour vient donc de "casser", comme on dit, un licenciement. Celui d’une employée d’une société de crédit plutôt bavarde : elle a envoyé et reçu un peu plus de mille deux cents mails persos en deux mois. Le patron s’en est aperçu. Avant de la sanctionner, il a prévenu tout le monde par courrier électronique qu’il allait installer un « mouchard », un moyen de contrôle sur la messagerie pour voir quels sont ceux qui abusent. Et il y aura des sanctions.
Sans surprise, l’employée se fait prendre la patrouille. Résultat : licenciement pour faute réelle et sérieuse. Elle va aux prud’hommes, qui confirment le licenciement. Elle fait appel : la cour d’appel confirme le licenciement. Elle se pourvoit en cassation… et elle finit par gagner.
Tout ça parce que l’employeur n’avait pas déclaré à temps à la CNIL
La commission informatique et liberté, qu’il allait installer son petit dispositif.
Le fin mot de l’histoire n’est pas encore écrit : c’est maintenant une autre cour d’appel qui va devoir se prononcer sur cette affaire vieille maintenant de quatre ans, en tenant compte de la mise au point de la cour de cassation.
Les employeurs sont de plus en plus tentés d’installer des caméras dans les lieux de travail pour prévenir les vols, des dispositifs de surveillance sur les messageries électroniques, des mouchards sur les véhicules de sociétés.
Tout ça est possible et légal… mais il faut toujours que le salarié soit au courant, et que la Cnil le soit aussi. Elle est d’ailleurs de plus en plus souvent sollicitée pour ce genre d’affaires.
Quant aux messages personnels, le droit français les autorise, tout comme le surf à des fins privées, mais dans la limite du « raisonnable ». C’est flou.
Mais ce qui est interdit, en tout cas, c’est d’interdire complètement
Côté salariés, ce qui est clairement hors des clous, c’est tout ce qui touche à la pornographie. La cour de cassation vient justement de confirmer le licenciement d’un technicien qui avait envoyé à ses collègues cent soixante dix-huit messages plus ou moins humoristiques... mais surtout pornographiques.
De plus en plus d’entreprises éditent des chartes pour clarifier tout ça. Mieux vaut s’y conformer. Et se rappeler que, même si les règles fixées par l’employeur sont trop strictes, quand on est licencié pour avoir abusé de la messagerie ou des réseaux sociaux, on pourra toujours gagner, quelques années plus tard, devant la justice. Mais en attendant, on aura perdu son boulot.
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