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Plafonnement des indemnités de licenciement : la fronde des prud'hommes s'étend encore

De plus en plus de conseils de prud'hommes refusent d'appliquer le barème prévu par le Code du travail.

Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La façade du Conseil des prud'hommes de Toulouse (Haute-Garonne). (ERIC CABANIS / AFP)

Les Conseils de prud'hommes sont de plus en plus nombreux à s'opposer aux dispositions du Code du travail qui instaurent un barème pour les indemnités versées en cas de licenciement abusif. C'était l'une des mesures phares de la réforme par ordonnances du droit du travail de septembre 2017. Sauf que le principe des barèmes est sans cesse remis en cause par les conseils des prud'hommes, qui mène une véritable fronde contre ce texte.

La liste s'allonge. Troyes, Grenoble, Amiens, Paris... et maintenant Bordeaux, et tout récemment Martigues. Les juridictions les plus proches du terrain, les conseils de prud'hommes, sont de plus en plus nombreux à rejeter le fameux barème Macron. Ils sont désormais plus d'une dizaine à passer outre cette mesure qui devait donner de la sécurité aux licenciements et permettre à l'employeur de prévoir quelle somme il allait devoir verser pour se séparer d'un salarié.

Le barème existe, il est fixé par l'article L 1235-3 du Code du travail. Pour un an d'ancienneté, entre un et deux mois de salaire brut. Pour cinq ans, entre trois et six mois. Pour dix ans, entre trois et dix mois. Sauf que les conseillers prud'homaux – qui ne sont pas des magistrats professionnels – disent non. Ils donnent davantage. Ils choisissent délibérement de ne pas suivre la loi parce qu'ils disent qu'il y a quelque chose au-dessus de la loi française. Ce sont les traités et les conventions que la France a signés, tous les étudiants en droit savent ça. Il s'agit de la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de la Charte sociale européenne. Que disent ces textes ? Qu'il faut une "indemnité adéquate" et une "réparation appropriée". Et que si on applique le barème, on n'arrive pas à cette "réparation appropriée".

Un exemple vient d'être jugé à Bordeaux : une architecte salariée dont la collaboration cesse au bout de quelques mois. Selon le barème, elle n'a droit qu'à un demi-mois de salaire. Dérisoire, disent les juges bordelais. Ils lui accordent... six fois plus, soit 12 000 euros. Même chose à Martigues. Une aide soignante est licenciée pour faute grave. Son employeur lui reproche d'avoir été brutale avec certains résidents. Les prud'hommes ne sont pas d'accord. Elle a quatorze ans d'ancienneté. Elle va avoir du mal à retrouver du travail. Ils multiplient par deux ses indemnités. Plus de 30 000 euros. Mais la plupart des décisions qui font fi de la loi concernent des salariés qui ont peu d'ancienneté. Et donc des indemnités prévues très basses. C'est là que les prud'hommes trouvent que la réparation n'est pas appropriée.

Dans quelques jours la cour d'appel de Paris va se prononcer. Les appels des décisions de première instance, rendues ces derniers mois en région par les prud'hommes, vont tomber. Puis sûrement la Cour de cassation sera saisie.
On y verra alors plus clair. Mais pour l'instant, la fronde continue.

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