40% des actifs en emploi ont une vie sous contrainte, et la monoparentalité est un facteur aggravant
La fondation Travailler autrement les a baptisés les "invisibles". Il s’agit d’hommes et de femmes qui exercent des métiers différents, dans des secteurs différents, avec des niveaux d’études différents. Sarah Lemoine revient sur l'étude publiée par la fondation.
franceinfo : Qui sont ces travailleurs "invisibles" ?
Sarah Lemoine : Ils peuvent être agents d’entretien, aides à domicile, caissières, éboueurs, ouvriers agricoles ou livreurs. Ils vivent en ville, en banlieue ou à la campagne. Ils se déplacent en voiture ou en transport en commun. Pourtant, quand on les interroge, ils forment un groupe homogène par le nombre de contraintes qui pénalisent leur vie quotidienne. 36 contraintes, selon l’étude, liées à la précarité financière, la pénibilité au travail, la vie de parent souvent solo, l’impossibilité d’être maître de son temps, les déplacements difficiles ou qui coûtent cher et le manque de reconnaissance. Chaque frein amplifie l’autre et provoque un sentiment d’emprisonnement.
Qu’est-ce qui différencie les invisibles des autres actifs ?
Ils ont un revenu nettement inférieur. Moins de 2000 euros en moyenne, soit 600 euros de moins. Ils ont davantage recours au crédit à la consommation. Ils sont plus nombreux à renoncer aux soins, aux vacances, au plein complet à la pompe. Ils travaillent plus en horaires irréguliers, morcelés, les week-ends, les jours fériés. Ils sont plus nombreux à identifier un risque professionnel lié à leur métier, les postures pénibles par exemple ou le port de charges lourdes. Ils jugent leur management plus brutal et indifférent à leur situation. Un quart seulement se sent en capacité de travailler jusqu’à la retraite. Enfin, ils sont plus souvent absents pour garder leurs enfants.
La fondation Travailler autrement sonne l’alerte sur ce dernier point ?
En effet, le nombre de familles monoparentales a été multiplié par deux en France depuis 30 ans. Elles sont deux millions aujourd’hui. Or, l’étude montre qu’il y a quatre fois plus de familles monoparentales chez les invisibles que chez les autres actifs. Et que sur 100 mamans solos qui travaillent, 73 sont issues des invisibles. "Des femmes qui le payent à tous les niveaux", d'après le président de la fondation, Patrick Levy-Waits, qui invite à repenser le modèle social à l’aune de ce qu’est la société aujourd’hui. Il appelle aussi les entreprises et les pouvoirs publics à se saisir du sujet.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.