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Quels sont les droits des lanceurs d'alerte ?

Le réseau social Facebook est secoué par les dénonciations de deux lanceurs d'alerte, qui l'accusent notamment de ne pas avoir assez lutté contre la désinformation. En France, quels sont les droits et la protection des lanceurs d'alerte ?

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les lanceurs d'alerte seront mieux protégés en France à la fin de l'année 2021, quand ils auront le choix de saisir directement l'autorité judiciaire ou de dénoncer les faits à leur employeur.  (DANE MARK / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

De nouvelles révélations font trembler Facebook. Le réseau social est notamment accusé par une lanceuse d'alerte, Frances Haugen, ancienne ingénieure chez Facebook. Selon elle, le géant américain diffuserait des fake news sur ses pages pour s'enrichir. Comment les lanceurs d'alerte sont-ils protégés en France ? Quels sont leurs droits ? 

Pierre Farge est avocat et auteur de Le lanceur d'alerte n'est pas un délateur, paru cette année aux éditions Jean Claude Lattes.  Dans cet ouvrage, il souligne que la législation française ne protège pas assez les lanceurs d'alerte. 

franceinfo : Comment définit-on un lanceur d'alerte, quelle est sa définition légale ?

Pierre Farge : Le lanceur d'alerte a été défini pour la première fois dans la loi Sapin 2 de 2018, à son article 6 : c'est une personne qui alerte de bonne foi, dans l'intérêt général et de façon désintéressée.

Peut-on perdre son emploi ou risque-t-on des poursuites pour avoir lancé une alerte ?

Bien sûr. Ce sont tous les inconvénients et les dangers de l'alerte. Il y a ce que l'on appelle des procédures baillons. On peut perdre son emploi, ce qui oblige à saisir un conseil de prud'hommes pour dénoncer le licenciement abusif, mais on peut aussi faire l'objet d'autres procédures baillons, comme des procédures en violation de la confidentialité du contrat, ou des procédures en diffamation, en droit pénal de la presse.

Et pourtant la loi est censée le protéger...

Cette loi, c'est de l'affichage, c'est-à-dire que certes, c'est une avancée parce qu'on définit pour la première fois ce qu'est un lanceur d'alerte, ça permet d'expliquer que les lanceurs d'alerte vont dans le sens de l'histoire, mais quand on est avocat et qu'on cherche à appliquer cette loi dans l'intérêt de ses clients, elle est absolument inapplicable.

Est-ce parce qu'avant de donner l'alerte, il faut d'abord en parler à son employeur ?

La loi prévoit trois paliers, et notamment ce premier palier qui oblige l'employé à dénoncer à son employeur les faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Ce dispositif était dangereux et il a mis trois ans avant d'être corrigé.

La directive européenne, que nous devons transposer avant mi-décembre a obligé à retirer ce premier palier, du moins désormais, le lanceur d'alerte a le choix de saisir directement l'autorité judiciaire ou de dénoncer les faits à son employeur. On lui donne le choix. L'employeur pouvait immédiatement prendre toutes les mesures répressives pour faire taire son lanceur d'alerte, à commencer par le licencier ou le poursuivre au pénal pour diffamation.

Est-ce que d'autres pays protègent mieux que nous les lanceurs d'alerte ?

Les États-Unis ont 20 ans d'avance sur la protection du lanceur d'alerte. On s'en inspire d'ailleurs. Il y a tout un mécanisme d'indemnisation, des délais qui sont beaucoup plus rapides qu'en France, le droit est beaucoup plus clair.

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