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C'est dans ma tête. Les tueurs en série

Alors que Nordahl Lelandais a déjà avoué deux meurtres et que l'on parle aujourd'hui d'un troisième crime qui pourrait être à son actif, Claude Halmos explique aujourd'hui comment un être humain peut en arriver à commettre de tels actes.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
1er juillet 2004 : le tueur en série Michel Fourniret arrive au Palais de Justice de Dinant en Belgique. (MAXPPP)

Nordahl Lelandais a déjà avoué deux meurtres. On parle aujourd’hui d’un troisième, qui pourrait lui être imputé. Et on évoque la possibilité qu’il puisse être un tueur en série. La psychanalyste Claude Halmos rappelle ici que ces criminels hors normes ont tous été, au tout début, "des bébés comme les autres", et explique comment et dans quelles circonstances ils deviennent inhumains.

Qu’est-ce qui peut pousser des hommes à commettre de tels actes ?

Face à de telles horreurs, la tentation pourrait être de penser que ces tueurs appartiennent à une catégorie particulière d’humains, et même qu’ils sont des monstres. Pourquoi penserait-on cela ? Parce que l’on peut considérer comme proches encore, de soi, des criminels qui commettent des actes dont on sait que l’on ne pourrait pas, soi-même, les commettre, mais dont on sait aussi que l’on pourrait, éventuellement, avoir le fantasme de les commettre. 

Tuer, dans une relation amoureuse, un (ou une) rival(e), par exemple est une chose que l’on peut se représenter. Mais les actes des tueurs en série dépassent, soit par leur accumulation soit par leurs particularités, les limites de notre imagination. Collectionner les meurtres de jeunes filles vierges, comme Michel Fourniret, par exemple, cela dépasse vraiment l’entendement.    

Les tueurs en série appartiendraient-ils à une catégorie particulière d’humains ?  

Non. Et c’est bien ce qui est vertigineux. Les plus grands criminels ont tous été, quand ils sont nés, des bébés comme les autres. Et c’est ce qu’ils ont vécu ensuite qui a fait d’eux ce qu’ils sont devenus. C’est important que la justice l’entende et c’est le rôle des experts judiciaires de le lui faire entendre.

Pour qu’un être humain puisse accomplir des actes qui relèvent de l’horreur, il faut qu’il se soit construit dans une histoire familiale où il y avait de l’horreur, et souvent depuis plusieurs générations. Cette horreur est, dans chaque cas, bien sûr, particulière, mais on retrouve souvent dans le parcours des grands criminels, de la maltraitance - physique ou psychologique - des abus sexuels ou des incestes qui sont de plus, en général, restés impunis.    

Comment l’horreur vécue dans sa famille en arrive-t-elle à transformer un enfant ?

Elle le transforme d’abord parce qu’un enfant qui est soumis à une horreur trop grande, est toujours en danger d’en devenir fou. Et qu’il peut, pour échapper à la folie, tenter de se faire le maître de cette horreur, en la reproduisant, c’est-à-dire en cessant d’être victime pour devenir bourreau. Et en trouvant, à partir de là, une possibilité de jouir de cette horreur. Ce qui lui est d’autant plus possible que – on l’oublie trop souvent – un enfant que son bourreau maltraite, est, en même temps qu’il souffre, initié à la jouissance de torturer, qu’il sent son bourreau éprouver.

Est-ce qu’il faut en conclure, alors, que n’importe qui pourrait devenir tueur en série ? 

N’importe quel humain, placé dans des conditions par trop inhumaines, peut, surtout s’il est encore dans l’enfance, devenir lui-même inhumain, on en a l’exemple dans toutes les guerres. Heureusement la majorité des enfants n’a pas, en temps normal, à subir un tel degré d’inhumanité.

Mais cela pose, une fois de plus, la question de la protection des enfants maltraités. Et la nécessité, pour notre société, d’accepter de regarder en face non seulement l’horreur qu’ils subissent, mais la façon dont elle va conditionner leur construction.  

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