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C'est dans ma tête. "Grande vieillesse" et violences institutionnelles

La maltraitance des personnes âgées, dans les établissements où elles résident, est malheureusement, on le sait, un phénomène récurrent, et les signalements augmentent chaque année. Comment expliquer ces agissements très violents ?

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un téléphone et un document pour promouvoir la plateforme du 3977 qui vient en aide aux personnes âgées maltraitées.  (PELAEZ JULIO / MAXPPP)

Récemment, dans une maison de retraite du Val-de-Marne, un membre du personnel a été filmé, frappant et injuriant une dame de 98 ans. La maltraitance des personnes âgées, dans les établissements où elles résident, est malheureusement, on le sait, un phénomène récurrent, et les signalements augmentent chaque année. La psychanalyste Claude Halmos revient ici sur l'origine souvent pathologique de ces agissements d'une très grande violence.

franceinfo : comment peut-on expliquer de tels actes ?

Claude Halmos : Les actes comme ceux auxquels a été soumise cette vieille dame, relèvent de l’horreur la plus absolue et les personnes qui les commettent doivent en répondre devant la justice. Mais je crois que si l’on ne veut pas, face à de tels actes, occulter les vrais problèmes, on ne peut pas en rester à l’indignation.

Que voulez-dire ? 

Les actes de ce type, qui relèvent de la pathologie, posent le problème du recrutement. Quand on recrute du personnel pour s’occuper de personnes en état de faiblesse (de malades, d’enfants, ou de personnes âgées), il faudrait être très rigoureux. Choisir des personnes capables d’empathie, et de patience, et qui ne soient ni sujettes à la violence, ni susceptibles d’abus de faiblesse.

Or, on sait que les établissements, qui doivent pourvoir des postes pour un travail difficile et mal payé, manquent souvent de la rigueur nécessaire. Mais ce problème n’est pas le seul.

Quels sont les autres problèmes ?

Le problème de fond (qui n’excuse en rien la maltraitance, qui est inexcusable) est que, dans ces établissements, on trouve, face à face, deux souffrances psychologiques qui se font écho.

Celle des personnes très âgées, qui doivent faire le deuil de ce qu’elles étaient auparavant et supporter la dégradation, progressive et sans retour, de leurs capacités physiques, et parfois de leurs facultés mentales ; et l’angoisse - trop sous-estimée - que cette dégradation suscite toujours.

 Et, face à cette souffrance, celle du personnel, dont le travail est pénible, mais aussi particulièrement angoissant. Et, paradoxalement, pour les mêmes raisons. Parce qu’il est angoissant de travailler avec des personnes dont l’état ne va pas s’améliorer. Surtout lorsque l’on sait que, inéluctablement, on souffrira soi-même un jour de ce dont elles souffrent.
Ce face à face avec un état qu’ils redoutent pour eux-mêmes peut conduire des soignants à déraper. Et, sans aller jusqu’à la maltraitance, à faire preuve, par exemple d’un autoritarisme qui leur permet, en affirmant leur puissance, d’exorciser la peur que leur inspire l’impuissance des personnes dont ils ont la charge.

Que pourrait-on faire ?

Il faudrait que les établissements comprennent les problèmes psychologiques spécifiques de leurs personnels, et les prennent en charge. En leur donnant la possibilité d’un travail en équipe, pour exprimer et élaborer leurs difficultés.

Mais il faudrait aussi que la société réfléchisse à la vie qu’elle entend offrir aux personnes qui ont atteint l’âge de la très grande vieillesse. Parce que, à l’heure actuelle, tout se passe comme si, en ne considérant que leurs manques, on leur déniait le statut de personnes à part entière.

Cette vision déshumanisée pèse lourdement sur leur prise en charge, et peut expliquer qu’elles soient plus souvent maltraitées, dans les institutions, que les malades ou les enfants.

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