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C'est dans ma tĂȘte. Ces statues qu'on dĂ©boulonne

Le dĂ©bat sur les statues de personnalitĂ©s controversĂ©es de l'histoire - personnalitĂ©s jugĂ©es par certains esclavagistes, et/ou racistes - est plus fort aux États-Unis. En France, un homme a taguĂ© la statue de Colbert le 23 juin dernier, devant l'AssemblĂ©e nationale. Il sera jugĂ© au mois d'aoĂ»t. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La statue de Colbert, ministre des Finances de Louis XIV de 1661 Ă  1683, devant l'AssemblĂ©e nationale Ă  Paris a Ă©tĂ© vandalisĂ©e le 23 juin. Une figure contestĂ©e par les militants antiracisme. Il a travaillĂ© Ă  l'Ă©criture du Code noir sur l'administration de l'esclavage dans les colonies, promulguĂ© en 1685, deux ans aprĂšs sa mort.  (IP3 PRESS / MAXPPP)

Le prĂ©sident Emmanuel Macron a dĂ©clarĂ©, on le sait, qu’aucune statue ne serait dĂ©boulonnĂ©e. Les statues resteront donc en place. Mais on sait que le dĂ©sir de les dĂ©boulonner reste vif chez beaucoup de gens. Nous revenons avec la psychanalyste Claude Halmos sur les motivations psychologiques qui sous-tendent des actions de ce type.

franceinfo : Qu’est-ce qui pousse Ă  vouloir dĂ©boulonner des statues ? Est-ce que cette action peut aider ceux qui l’accomplissent ?       

Claude Halmos : Ces actions visent Ă  faire - au propre comme au figurĂ© - tomber de leur piĂ©destal, des hommes qui ont promu l’idĂ©e de "race", et les pratiques, comme l’esclavage, qui en ont dĂ©coulé ; et Ă  obliger la sociĂ©tĂ© Ă  en reconnaĂźtre le caractĂšre scandaleux. Et cette reconnaissance est importante pour la collectivitĂ©, mais aussi pour les individus.    

Pour quelles raisons ?    

On sait aujourd’hui que l’histoire personnelle de chaque individu dĂ©pend de ceux qui l’ont entourĂ© et, en premier lieu, de sa famille : on ne se construit pas tout seul. Mais on sait moins qu’elle dĂ©pend aussi des conditions sociales, Ă©conomiques, et historiques, dans lesquelles vit, et a vĂ©cu cette famille.

Les horreurs, que subissent les populations, et les terreurs qu’elles engendrent, marquent ceux qui les vivent, mais façonnent aussi leur descendance, parce qu’elles se transmettent consciemment, et surtout inconsciemment, de gĂ©nĂ©ration, en gĂ©nĂ©ration. Avoir des ancĂȘtres qui ont Ă©tĂ© vendus comme des marchandises, dĂ©coupĂ©s Ă  la machette, ou gazĂ©s dans des chambres Ă  gaz laisse des marques indĂ©lĂ©biles. Et justifie, sur le plan individuel aussi, un "devoir de mĂ©moire".  

En quoi ce "devoir de mémoire" est-il utile ?        

La connaissance de l’histoire est un repĂšre essentiel. Le travail avec des adolescents issus de minoritĂ©s maltraitĂ©es, par exemple, montre que leur rĂ©volte, et leur colĂšre, tiennent Ă  leurs conditions de vie prĂ©sentes, souvent indignes. Mais plongent aussi leurs racines dans l’oppression accumulĂ©e au fil des siĂšcles, dont ils subissent les effets, sans en ĂȘtre conscients. Et leur en parler est indispensable pour qu’ils puissent sortir de la violence, rĂ©flĂ©chir Ă  leur rĂ©volte, et l’agir autrement.  

Voir les statues déboulonnées pourrait donc les aider ?      

Non. DĂ©boulonner des statues rĂ©duit les phĂ©nomĂšnes Ă  des individus. C’est contraire Ă  la vĂ©rité : les individus, quel que soit leur pouvoir, ne peuvent agir que si les conditions le leur permettent. Et de plus dangereux, parce que cela peut faire croire Ă  certains qu’abattre tel ou tel, rĂ©soudrait les problĂšmes. Et cela relĂšve, de plus, d’un dĂ©sir de faire disparaĂźtre l’horreur. DĂ©sir lĂ©gitime mais, lui aussi, dangereux.

On le voit dans les familles, oĂč l’on a, Ă  une gĂ©nĂ©ration, occultĂ© des Ă©vĂšnements, en croyant protĂ©ger les descendants. Alors que cela les condamne, Ă  chercher toute leur vie, ce qui les accable. On ne se dĂ©barrasse pas de l’horreur en l’effaçant, mais en l’affrontant, et en travaillant Ă  la comprendre. Par rapport aux mĂ©faits de tous les racismes, Il faut donc comprendre ce qui les a permis. Et a permis ensuite que l’on en oublie l’horreur.

Le problĂšme n’est pas de dĂ©boulonner les statues, mais d’enseigner ce dont elles sont le produit. C’est le seul moyen pour que l’horreur ne se reproduise pas.        

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