Japon : l'argot banni des prisons pour améliorer la réinsertion des prisonniers

Des experts ont estimé qu'une partie de la détérioration du climat dans un centre de détention était liée à l'argot employé en prison. Le ministère de la Justice japonais a donc décidé d'interdire certains mots.
Article rédigé par Yann Rousseau
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Un surveillant ouvre une porte pendant son tour de garde dans la prison de Fuchu, au Japon, le 22 février 2024. (RICHARD A. BROOKS / AFP)

Faut-il montrer plus de respect lorsque l'on s'adresse aux prisonniers ? C'est ce que vient de conclure un groupe d'experts au Japon après avoir mené une enquête sur les maltraitances subies par des détenus à la prison de Nagoya. Ils estiment qu'une partie de la détérioration du climat dans le centre de détention était liée à l'argot employé en prison. Alors, le ministère de la Justice japonais explique qu'il est temps de changer l'ambiance dans les prisons du pays, qui sont réputées très dures.

Les autorités japonaises veulent en quelque sorte un changement de philosophie. Elles expliquent qu'il faut dorénavant se concentrer sur la réhabilitation des prisonniers et tout faire pour mieux préparer leur retour dans la société. Cette préparation passe par un changement de vocabulaire. À compter du 1er avril 2024, les surveillants ne devront plus utiliser l'argot de prison ou le jargon qu'ils utilisent habituellement lorsqu'ils parlent entre eux des détenus. En tout, il y aura maintenant une trentaine de mots interdits dans les prisons du pays.

Au Japon, il y a tout un argot qu'on ne retrouve qu'en prison, un peu comme un France. Par exemple, pour la coupe de cheveux, on dit "gari", qui fait automatiquement référence à une coupe très courte. Pour la nourriture, on va parler de "mosso", qui est le bol en acier qui sert à mesurer une portion de riz. Les gardes ont aussi l'habitude d'utiliser des termes très dépréciatifs pour parler des détenus. Ils peuvent dire "yoeki" ou "yatsura", en gros ces voyous ou ces losers. Par contre, ils exigent souvent de se faire appeler "sensei" par les prisonniers, un titre honorifique qu'on utilise pour ses professeurs.

Les gardiens et les détenus doivent s'appeler "Monsieur"

Avec la réforme, on utilise dorénavant le vocabulaire du quotidien, celui qui est utilisé hors de la prison. Et lorsqu'ils se parleront, les surveillants et les détenus se donneront des titres un peu plus égalitaires. Les gardiens devront utiliser la formule "san" à la fin du nom de famille du prisonnier, l'équivalent de Monsieur. Et les prisonniers appelleront les surveillants "Shokuin-san", c'est-à-dire Monsieur l'officier.

Ce changement de vocabulaire doit permettre d'améliorer la situation dans les prisons ou la réinsertion. C'est ce que veut croire le ministère de la Justice, mais les activistes ont de gros doutes sur l'efficacité de cette mesure. Ils regrettent surtout une forme d'impunité des surveillants. Ceux qui avaient commis de graves maltraitances contre les détenus à Nagoya n'ont pas été vraiment sanctionnés. Et ils voudraient que le pays réforme plus en profondeur sa politique pénale et arrête d'envoyer systématiquement en détention des personnes condamnées pour de petits délits. Car ce sont ces personnes qui ont souvent du mal ensuite à se réinsérer dans la société.

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