Cet article date de plus d'onze ans.

Cuisine inmangeable

A première vue, dix ans après son suicide, le fantôme du grand cuisinier Bernard Loiseau revient hanter l'actualité ou plutôt alimenter la traditionnelle "guéguerre des hebdos" qui en France est un grand classique des fins de semaines.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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Dans un article à sensation,
avec facsimilé de documents d'époque, L'Express se veut accusateur et prétend
que "le rôle joué par le guide Michelin aura pesé lourd dans ce suicide
spectaculaire
".

Dans un contre-article sur son site internet, Le Point
affirme que c'est une théorie simpliste et précise, témoignages à l'appui que
Bernard Loiseau souffrait de troubles maniaco-dépressifs, qu'il naviguait entre
l'angoisse et l'euphorie et que tout mettre sur le dos du Michelin est
stupide.

Alors, nous voilà
bien avancés. Et surtout nous
voilà confrontés à trois vérités d'évidence qui frôlent les Lapalissades.
D'abord, les guides gastronomiques en général et le Michelin en particulier sont
puissants pour les stars des fourneaux. Comme le sont l'audimat pour les
vedettes de la télévision ou les sondages pour les ténors de la politique.

Ensuite, à l'image de sa cuisine, Bernard Loiseau était un homme hypersensible,
perfectionniste et vulnérable et sans doute n'a-t-il pas vécu les critiques
qualitatives entendues à l'époque avec sérénité.

Avec les suicides il faut se contenter du "comment"

Cela dit et enfin, vouloir
expliquer un passage à l'acte suicidaire en désignant un coupable unique, en
pointant du doigt le méchant de l'histoire est une sottise absolue qui illustre
bien une certaine dérive journalistique consistant à toujours chercher le "pourquoi"
des choses. Avec les suicides il faut se contenter du "comment".

A la différence des
meurtres, les suicides sont le plus souvent dépourvus de mobile. Ils échappent
à l'analyse rationnelle et cartésienne. Et si une cause déclenchante les motive,
celle-ci n'est qu'un élément parmi d'autres, bien plus nombreux, subtils et
mystérieux et qui relèvent du secret médical.

Qu'on fiche donc la
paix à feu Bernard Loiseau. La cuisine journalistique qu'on fait sur lui
aujourd'hui est immangeable.

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