"Les Doigts coupés" d'Hannelore Cayre
Avec Les Doigts coupés, Hannelore Cayre signe un roman qui se déroule entre aujourd'hui et il y a 35 000 ans. On y découvre Oli, une jeune Sapiens qui se bat contre la nature, et surtout contre les hommes. Une sorte d'héroïne féministe, préhistorique.
Hannelore Cayre est partie des peintures pariétales représentant des mains aux doigts coupés. Pourquoi certains Sapiens s'étaient-ils ainsi mutilés ? Dans la réalité, les paléontologues aujourd'hui ne savent pas vraiment. Dans sa fiction, Hannelore Cayre s'amuse à imaginer une punition infligée par des hommes aux femmes qui sortaient du cadre et du rôle auquel on les assignait.
Pour nous raconter cette fiction ou cette fable paléontologique, Hannelore Cayre nous entraîne dans les pas d'Oli, jeune Sapiens d'une tribu où la répartition des tâches est déjà bien installée. Les hommes à la chasse, et les femmes qui s'occupent du foyer, et toutes les inégalités qui en découlent. Et c’est ainsi que cela doit rester, sinon le monde s’écroulerait dans le chaos. Notre jeune Sapiens ne l'entend pas de cette oreille. Très habile de ses mains, ingénieuse, raisonneuse, peu sensible aux charmes des hommes de sa tribu, Oli décide de passer outre les interdits.
Et c'est là que commence le roman noir, avec la découverte d'une cavité, 35 000 ans plus tard, lors de travaux, et de deux corps et des artefacts qui vont avec. Pour les paléontologues de la fiction d'Hannelore Cayre, la découverte revêt un intérêt majeur. L'autrice va d'une époque à l'autre, des interprétations des scientifiques contemporains aux acteurs préhistoriques de ce drame, et elle nous livre un récit où l'on comprend comment et pourquoi ces deux corps, dont l'un au crâne fracassé, se sont retrouvés là, et pourquoi ces représentations de main aux doigts coupés.
Le récit d'une première révolte féministe
La jeune Sapiens Oli est une héroïne courageuse, pétillante, intelligente, sensible. Elle découvre d'autres façons de vivre que celle de sa tribu. Elle revendique son droit d'exister, d'être heureuse dans ce monde préhistorique. Dans leur cœur, les femmes sont globalement plus subtiles que les hommes, et surtout, s'interrogent sur la marche de leur monde. D'autant plus que ces femmes découvrent comment elles deviennent mères. Hannelore Cayre aime les personnages féminins. Déterminée, sa Oli est épatante. Hannelore Cayre n'est pas effrayée par l'anachronie de son récit.
Ces personnages préhistoriques parlent comme vous et moi et manipulent des concepts parfaitement contemporains, le tout avec beaucoup d'humour. Et ce n'est pas sans rappeler un roman qui s'appelle Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis, qui narrait les aventures d'un jeune pithécanthrope du pléistocène, il y a des centaines de milliers d’années.
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