"Le Saut vers la liberté" de Patrice Romedenne

Le 15 août 1961, sans avoir prémédité son geste, Conrad Schumann, un jeune policier est-allemand âgé de 19 ans, passe à Berlin-Ouest en sautant par-dessus les barbelés qui matérialisent la frontière avec l'Est. Un reporter capte la scène, et signe la photo la plus célèbre de toute la guerre froide.
Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Cette photo célèbre du reporter allemand Peter Leibing, est mise en scène sous trois angles, en mars 2021, dans une exposition consacrée à ce fameux saut au-dessus des barbelés, de la RDA à la RFA, en août 1961, par un jeune policier est-allemand. Le Mur de Berlin commençait à être construit, depuis deux jours... (CLEMENS BILAN / EPA / MAXPPP)

Le Saut vers la liberté, le livre de Patrice Romedenne publié chez Plon, c'est ce saut réalisé par un certain Conrad Schuman, policer est-allemand, au-dessus des barbelés qui séparaient alors, en ce mois d'août 1961, la frontière entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Le mur était en construction. Ce saut vers la liberté a été immortalisé par un jeune photographe. Elle fait partie de ces photos iconiques qui ont fait le tour du monde. L'une des images les plus célèbres de la guerre froide.

Le journaliste Patrice Romedenne s'est interrogé. Mais qui est donc cet homme ? Conrad Schumann lui-même ne sait pas vraiment pourquoi il est passé à l'Ouest. Fils de paysans, policier parce que, comme d'autres, on est venu le chercher avec la promesse d'ascension sociale, il n'a guère de convictions politiques, mais l'absurdité de son travail, au moment où le régime se raidit en 1961, l'absurdité de ce travail est déterminant dans son choix. Il se retrouve donc à l'ouest.

L'avenir de l'autre côté du mur, n'est pas aussi radieux que prévu

Conrad Schumann est un jeune homme de 19 ans, timide, réservé, et la photo, publiée dans le monde entier, en fait un héros malgré lui. Symbole pour ceux qui veulent fuir le régime communiste. Symbole un peu trop lourd à porter. Il refait sa vie en Bavière, se marie et a deux enfants. Le plus généralement, il tait son passé. Il a également peur de la Stasi. Il n'a que quelques contacts avec sa famille.

Un jour, son père lui rend visite. Mais cette visite ressemble trop à une manipulation de la Stasi pour le faire revenir à l'Est. Et ainsi, Conrad Schumann reste en Allemagne de l'Ouest, jusqu'à la chute du Mur en 1989. Il revoit ses proches ensuite, mais il constate que ses amis l'ont rejeté, le considérant comme un traître, plutôt que comme un héros. Il sombre alors dans la dépression et il se pend en 1998 à 56 ans, dans un verger, près de chez lui, en Bavière.

C'est ce parcours, depuis ce saut, que nous raconte Patrice Romedenne. L'histoire était plus ou moins connue, mais la qualité du livre tient au regard de l'auteur, à la précision de ses recherches, et à sa finesse de jugement. Et l'accent mis sur cet écart incroyable entre la force de la photo et la grande fragilité du personnage. En gros, être un héros n'est pas donné à tout le monde.

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