L'Angle éco. La mondialisation, c'est fini ?
Les chiffres le montrent, la production de produits fabriqués en usines chute, les investissements financiers également. Ces phénomènes se sont accentués depuis la crise de 2008. Et si c'était la fin de la mondialisation ? C'est l'avis de François Lenglet.
Se dirige-t-on vers un "retour des frontières" ? "L'Angle éco" s'est penché sur la fin de la mondialisation et ses possibles conséquences. Voici l'analyse de l'éditorialiste François Lenglet, présentateur de l'émission.
Etrange climat que celui qui prévaut en Europe à l'automne 2014. Cent ans tout juste après le début de la Grande Guerre, c'est le retour des frontières. L'utopie européenne, c'est-à-dire le marché unique pour les hommes, les biens et les capitaux, subit des avanies répétées. De la part des peuples ou de leurs gouvernements. En Belgique, on expulse les citoyens européens dès lors qu'ils sont jugés coûteux pour le système social. Au Royaume-Uni, on va désormais différencier les droits sociaux des résidents, selon qu'ils sont ou non britanniques. Les électeurs des Etats-membres de l'Union européenne ont envoyé des bataillons d'élus anti-européens au Parlement de Strasbourg. Et en Suisse, on vote massivement contre l'immigration venant des pays voisins.
La mondialisation vit ses derniers jours
Le désir de frontières est d'autant plus vif que les électeurs attribuent une grande part de leurs difficultés économiques à l'Europe. Il n'est pas nouveau que l'Europe fasse des perdants, mais ils étaient jusqu'ici minoritaires. Ce n'est plus le cas. La reprise poussive qui se fait jour ne suffit pas à faire baisser le chômage dans les pays périphériques, ni même en France ou en Italie.
La fin de la mondialisation – le début de la fin – ne s'observe pas seulement en Europe. La plupart des pays émergents combinent astucieusement ouverture prudente, protectionnisme efficace et préservation des intérêts stratégiques. Les Etats-Unis se referment, au point qu'il semble désormais inenvisageable de conclure les grands traités commerciaux en panne. Quant à la Russie, la crise ukrainienne montre qu'elle est de plus en plus décidée à faire prévaloir ses vues géostratégiques, quelles qu'en soient les conséquences. Idem en Chine et au Japon, où la résurgence du nationalisme et de l'antagonisme entre les deux pays, désormais parfaitement assumés, est saisissante.
La France s'est arrêtée en l'an 2000
Rien de tel en France, où une bonne partie de l’élite économique voit toujours la mondialisation des années 2000 comme seul horizon. Alors que le balancier des idées est vigoureusement reparti de l’autre côté, bon nombre de grands patrons, de financiers et de hauts fonctionnaires – les entrepreneurs n’ont pas la même naïveté – continuent à défendre une organisation que la crise a renversée et qui ne reviendra pas. Les Français sont toujours en retard, parce qu’ils ont du mal à changer d’avis.
A leur décharge, le protectionnisme est souvent invoqué pour de mauvaises raisons. L’exemple le plus célèbre est celui des fabricants de chandelles, que l’on doit à Frédéric Bastiat, un économiste du XIXe siècle : souffrant de la concurrence du soleil, ces pétitionnaires demandent au gouvernement que l’on masque d’autorité les fenêtres des habitations, au nom de la défense de leur activité et de l’emploi.
Rien de tel dans ce numéro de "L'Angle éco" qui, s’il présente les coûts et les inconvénients du libre-échange, ne nie pas pour autant ses bienfaits. Quant à la protection, elle ne peut être déployée que pour protéger contre une concurrence déloyale, par exemple celle d’un pays qui manipule sa monnaie, ou qui n’ouvre pas lui-même son marché. Elle ne saurait protéger de la concurrence saine, sauf à prendre le risque de précipiter nos pays dans l’arriération où vivait naguère l’Union soviétique.
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