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Vidéo Déchets nucléaires : les dessous du contrat qui lie la France à la Russie malgré la guerre en Ukraine

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Déchets nucléaires : les dessous du contrat qui lie la France à la Russie malgré la guerre en Ukraine
Déchets nucléaires : les dessous du contrat qui lie la France à la Russie malgré la guerre en Ukraine Déchets nucléaires : les dessous du contrat qui lie la France à la Russie malgré la guerre en Ukraine (COMPLÉMENT D'ENQUÊTE / FRANCE 2)
Que vient faire la Russie de Poutine dans le circuit de recyclage de nos déchets nucléaires ? La France continue à faire réenrichir son uranium de retraitement en Russie malgré la guerre en Ukraine, comme l'a révélé l'ONG environnementale Greenpeace. Des échanges commerciaux légalement possibles, car le nucléaire n’est pas concerné par l’embargo, mais difficiles à justifier. Explications dans cet extrait de "Complément d'enquête".

C'est un contrat dont EDF ne veut pas parler. Malgré la guerre en Ukraine, la France continue à recevoir de la Russie des quantités importantes d'uranium, et a reçu en particulier une livraison, en novembre 2022, de plusieurs dizaines de fûts d’uranium réenrichi : du combustible usé qu’EDF a envoyé en Russie pour y être réenrichi, et qui revient en France pour alimenter une centrale nucléaire…

La Russie de Poutine reste en effet un partenaire incontournable pour le recyclage d'une partie de ce combustible. Explication : l'uranium de retraitement, isolé à l'usine de La Hague, ne peut être ensuite réutilisé dans les centrales EDF qu'à condition d'être converti et réenrichi. Et pour cette opération-là, EDF et Orano (ex-Areva) n'ont pas de solution sur le sol français.

Une usine secrète et inaccessible

Depuis les années 1990, la France s'est donc régulièrement tournée vers la Russie et son géant du nucléaire, Rosatom, pour cette opération essentielle. C’est à Seversk, en Sibérie, que l’uranium de retraitement est envoyé : une ville fermée, interdite aux étrangers. En 2013, EDF avait été contraint de suspendre sa collaboration en raison de fortes inquiétudes environnementales.

La Russie affirme avoir mis aux normes ses installations, et EDF a signé un nouveau contrat en 2018. Mais à Seversk, aucun contrôle indépendant n’est possible, comme le souligne Jacky Bonnemains, un militant antinucléaire de l’association Robin des Bois. Il est l’un des rares Français à s’y être rendu, en 2012, avec une délégation officielle. Il "trouve incroyable qu’à un moment où on parle de souveraineté et d’économie circulaire, le choix ait été fait sur des installations mystérieuses, polluées, incontrôlables en Sibérie".

Des déchets laissés en Sibérie ?

"Rosatom propose un service unique au monde, dénonce Andrey Ozharovski, un physicien russe qui est également un célèbre militant antinucléaire : le stockage et l'enterrement de déchets en Sibérie, à ciel ouvert ou sous terre." Selon le militant, sous couvert de réenrichissement de son uranium de retraitement, EDF en profiterait pour se débarrasser d'une partie de ses déchets en Russie. "Pour chaque conteneur d'uranium enrichi produit à Seversk, affirme-t-il, on produit 6 ou 7 conteneurs d'uranium appauvri"... qui restent ensuite sur le territoire russe. Pour Andrey Ozharovski, "le réenrichissement, c'est juste une façade pour nettoyer le territoire français".

Une manne pour financer la guerre en Ukraine

Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce contrat avec Rosatom est aussi dans le viseur de nombreux parlementaires européens, qui trouvent "très difficile de comprendre pourquoi l'Europe se montre si faible pour sanctionner Rosatom". Le secteur nucléaire échappant aux sanctions, EDF versera donc bien 1 milliard de dollars pendant dix ans à Rosatom.

Et Rosatom, c'est l'Etat russe, souligne cette chercheuse d'origine ukrainienne spécialiste du secteur de l'énergie. "Tout l'argent qui entre aujourd'hui en Russie, par n'importe quel canal, que ce soit la vente du gaz, la vente du pétrole, la vente des services nucléaires… tout cet argent qui touche au budget russe va être utilisé, on peut en être certain, à des fins militaires, pour continuer la guerre en Ukraine."

Malgré les demandes répétées de "Complément d'enquête", EDF a refusé de répondre à ses questions et a simplement envoyé un mail précisant que l’entreprise "applique strictement toutes les sanctions internationales et/ou les restrictions liées à la non-obtention d'autorisations administratives requises, tout en respectant les engagements contractuels pris".

Extrait de "Déchets nucléaires : quand nos poubelles débordent", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 12 octobre 2023.

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