: Vidéo Aux JO de Mexico en 1968, le poing levé de deux athlÚtes afro-américains "va percuter les consciences du monde entier"
Mexico, le 16 octobre 1968 : devant 72 000 spectateurs, la finale du 200 mĂštres hommes va dĂ©buter. L'Ă©preuve des Jeux olympiques est le rendez-vous des meilleurs sprinters mondiaux. Deux Afro-AmĂ©ricains, Tommie Smith et John Carlos, reprĂ©sentent les Etats-Unis. Le premier est originaire du Texas, qui pratique encore la sĂ©grĂ©gation raciale ; le second est issu de Harlem, l'un des ghettos les plus violents de New York. Pour tous deux, cinq mois aprĂšs l'assassinat de Martin Luther King, ces Jeux reprĂ©sentent une occasion unique de faire avancer le combat pour l'Ă©galitĂ© des droits civiques. Dans les gradins, le bruit court qu'il va se passer quelque chose, mais personne n'en sait davantageâŠÂ
Hués par une partie du stade
Tommie Smith et John Carlos terminent la course respectivement Ă la premiĂšre et troisiĂšme place. Quelques heures plus tard, ils se prĂ©sentent sur le podium oĂč ils ont rendez-vous avec l'Histoire⊠Elle retiendra cette image mythique : les deux athlĂštes, tĂȘte baissĂ©e, dos Ă leur drapeau, brandissant un poing gantĂ© de noir. Leur mise en scĂšne a Ă©tĂ© soigneusement pensĂ©e : le poing levĂ© et le gant noir pour signifier l'unitĂ© et la puissance des Afro-AmĂ©ricains ; des chaussettes noires, sans chaussures, pour rappeler la pauvretĂ© de leur communautĂ©Â ; un collier (autour du cou de John Carlos) pour figurer la corde des pendaisons dont sont victimes les Noirs aux Etats-Unis.Â
"C'Ă©tait totalement Ă©poustouflant. C'Ă©tait si glorieux, tellement spectaculaire⊠C'Ă©tait fantastique, encore mieux que tout ce dont j'aurais pu rĂȘver."
Ken Noel, membre fondateur de l'Olympic Project For Human Rights (Projet olympique pour les droits de l'homme),dans "Affaires sensibles"
Pour l'historien du sport et de la politique Patrick Clastres, la "force tĂ©lĂ©visuelle considĂ©rable" de l'Ă©vĂ©nement "va venir percuter les consciences du monde entier" â non sans susciter une certaine "rĂ©probation dans le mouvement sportif international, parce qu'on n'accepte pas que la politique entre dans l'arĂšne olympique". De fait, cette victoire pour les activistes noirs amĂ©ricains va marquer le dĂ©but d'une descente aux enfers pour les deux athlĂštes.
Mis au ban de la société américaine
Suite aux pressions du patron du CIO Avery Brundage, proche des suprĂ©macistes blancs, Tommie Smith et John Carlos sont expulsĂ©s de Mexico. Quarante-huit heures plus tard, quand ils atterrissent en Californie, ils apprennent que le comitĂ© olympique amĂ©ricain les a radiĂ©s Ă vie de toute compĂ©tition. Une fois passĂ©e la tempĂȘte mĂ©diatique, ils vont perdre plus encore que leur carriĂšre d'athlĂšte. Dans les annĂ©es qui suivent, mis au ban de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, ils sont contraints d'enchaĂźner les petits boulots pour survivre, et c'est toute leur vie familiale qui s'Ă©croule.
Pourtant, leur sacrifice n'aura pas Ă©tĂ© vain : leur geste est devenu un signe de ralliement pour d'autres athlĂštes noirs, comme l'AmĂ©ricain Bob Beamon en 1972 aux Jeux de Munich. Mais ils devront attendre les annĂ©es 2000 pour ĂȘtre rĂ©habilitĂ©s dans leur pays. En 2019, le comitĂ© olympique leur prĂ©sente des excuses officielles⊠cinquante et un ans aprĂšs leur poing levĂ©.
Extrait de "Les rĂ©voltĂ©s des Jeux olympiques", un documentaire Ă revoir dans "Affaires sensibles", une coproduction France TĂ©lĂ©visions, France Inter et lâINA, adaptĂ©e dâune Ă©mission de France Inter.
> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".
Commentaires
Connectez-vous Ă votre compte franceinfo pour participer Ă la conversation.