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Pourquoi l'expression "les sans-dents" est un sérieux accroc dans la carrière de Hollande

La petite phrase, prêtée au président de la République par Valérie Trierweiler dans son livre "Merci pour ce moment", entache gravement son image politique.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
François Hollande sous une pluie battante lors de son déplacement à l'ile de Sein le 6 août 2014. (FRED TANNEAU / AFP)

"En réalité, le président n'aime pas les pauvres. Lui, l'homme de gauche, dit en privé : 'les sans-dents', très fier de son trait d'humour." Cette phrase, écrite par Valérie Trierweiler dans son livre Merci pour ce moment, est cruelle et désastreuse pour l'image de François Hollande. Car le chef de l'Etat risque de trainer cette expression comme un boulet durant toute sa carrière politique. Francetv info vous explique pourquoi.

C'est une formule choc

Cette petite phrase serait "la synthèse du débat politique français actuel, à savoir l'opposition entre le peuple et l'élite, la défiance du peuple vis-à-vis du politique", juge Philippe Moreau-Chevrolet, communicant, interrogé par BFM TV"Ces [propos] seraient évidemment graves s’ils étaient exacts, parce qu’effectivement, en France, la capacité d’assumer des soins dentaires coûteux constitue un marqueur social", abonde Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à l'IEP de Grenoble, sur Atlantico

François Hollande ne serait pas le premier à se retrouver ainsi marqué par une formule choc. En pleine visite au Salon de l'agriculture, en février 2008, Nicolas Sarkozy avait lâché son célèbre "casse-toi, pauvre con" face à un homme qui refusait de lui serrer la main. Cette expression est devenue le symbole du "mépris de classe" du président, rappelle Rue 89. Une expression que Nicolas Sarkozy a eu bien du mal à faire oublier.

Ça brise son image politique

En 2012, François Hollande était le candidat "qui n'aime pas les riches". Deux ans plus tard, le voilà catalogué "président qui n'aime pas les pauvres""C'est très symbolique du parcours de Hollande, de candidat socialiste à président aujourd'hui contesté par la gauche", explique Philippe Moreau-Chevrolet.

Une évolution qui lui enlève le seul, maigre, atout qui lui restait. "Jusqu'ici, François Hollande apparaissait comme pas vraiment compétent, mais plutôt sympathique", poursuit le spécialiste de la communication. La cote de popularité du chef de l'Etat, en chute libre cette semaine, risque encore donc d'en pâtir. "Ses chances de réélection sont sérieusement entamées", tranche de son côté Yves-Marie Cann, directeur d'opinion à l'institut CSA, à Europe 1

Ça fait un carton sur les réseaux sociaux

L'expression a très vite été relayée sur Twitter, où plusieurs comptes portant le nom de "sans-dents" sont apparus dès mercredi 3 septembre. La formule est aussi en deuxième position des "trending topics", les sujets les plus suivis sur le réseau social, depuis deux jours. Elle a donné lieu à de nombreux détournements de la part des internautes.

Des pages Facebook, des blogs et des sites web ont été créés dès mercredi, rapporte le MondeLa page "Les Sans-Dents", tenue par des militants de droite proches du collectif "Hollande dégage", compte vendredi 5 septembre près de 28 000 likes. Selon le Nouvel Observateur, elle n'était suivie que par 2 300 abonnées mercredi.

C'est du pain bénit pour ses opposants politiques

Si l'expression connaît un tel succès, c'est aussi parce qu'elle est reprise en boucle par tous les opposants de François Hollande. "Elle lui sera forcément renvoyée par ses adversaires au cours de débats futurs, estime Philippe Moreau-Chevrolet sur le site de BFM TV. C'est une véritable bombe politique, elle ne le lâchera pas."

L'extrême-droite a sauté sur l'occasion. "Hollande méprise les 'sans-dents', le Front national les défend", a déclaré le parti de Marine Le Pen dans un communiqué, dès mercredi après-midi. Gilbert Collard renchérissait dans la soirée en qualifiant le président de "sans cœur" sur Twitterrapporte le Figaro.

Christian Estrosi, invité sur le plateau d'i-Télé jeudi 4 septembre, a appelé le président à "s'expliquer" sur cette petite phrase, que la députée UMP Valérie Boyer a qualifiée d'"expression du cynisme et du mépris".

A gauche aussi, la révélation de Valérie Trierweiler a choqué. Alors que Jean-Luc Mélenchon se revendique du "camp des sans-dents" sur Twitter, le mouvement altermondialiste Attac relaie le message du compte "Nous les sans-dents". Ce dernier dénonce les "politiques du gouvernement" et les "mesures d'austérité", explique le Monde.

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