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Un député UMP et un prêtre s'inquiètent de la montée du Front national chez les catholiques

Cette semaine, le député UMP Etienne Pinte et le curé d'Issy les Moulineaux publient un livre intitulé: "Extrême-droite: pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire". L'occasion de faire le point sur les rapports entre le FN et le catholicisme.
Article rédigé par Daïc Audouit
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Marine Le Pen (AFP)

Cette semaine, le député UMP Etienne Pinte et le curé d'Issy les Moulineaux publient un livre intitulé: "Extrême-droite: pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire". L'occasion de faire le point sur les rapports entre le FN et le catholicisme.

"La tentation Marine Le Pen". Ce titre barrait la une de l'hebdomadaire catholique "La Vie" en juin dernier. Le journal s'inquiétait d'une progression du vote Front national parmi l'électorat catholique. C'est cette même inquiétude qui anime le député UMP Etienne Pinte et le prêtre Jacques Turck, auteurs de "Extrême-droite: pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire", qui parait aux éditions de l'Atelier.

Banalisation

"Le Fn s'est banalisé", constate Etienne Pinte, qui est catholique pratiquant. "C'est un phénomène genéral qui touche les chrétiens comme le reste de la population" précise t-il.

Ce sentiment est plus ou moins confirmé par les études d'opinion. Selon une enquête TNS-Sofrès pour le magazine "Le Pélerin" de cette semaine, 21% des catholiques voteraient pour Marine Le Pen à la prochaine présidentielle. Et aux régionales de 2010, selon une enquête CSA, 17% des pratiquants occasionnels ont voté FN, largement au dessus de la moyenne de l'électorat.

Des études qui expliquent également que les catholiques ont voté massivement Nicolas Sarkozy en 2007, et qu'ils seraient les premiers déçus du quinquennat, choqués par la séquence "bling-bling du début".

"Les catholiques peuvent être tentés par le discours contre l'injustice porté par Marine Le Pen", reconnaît M. Pinte. Et c'est sur le programme social du FN que se portent les principales attaques du petit livre. Il est jugé incompatible avec les valeurs de l'Evangile. " Contre la préférence nationale, l'Eglise choisit l'option préférentielle pour les pauvres", déclare le père Turck.

Sur son blog, Bruno Gollnisch a réagi. "Difficile de faire preuve de plus de confusion mentale en confondant le message chrétien dont il utilise le vocabulaire avec l'acceptation du mondialisme, qui est son antithèse et son travestissement", écrit-il, ciblant surtout l'ancien maire de Versailles.

Plus seulement les intégristes

Mais au-delà des chiffres, ce qui inquiète l'Eglise, c'est le changement de nature de cet électorat catholique frontiste. " 6% des participants aux Journées mondiale de la jeunesse pourraient voter pour le FN", s'étonne le curé d'Issy Les Moulineaux.

Car, auparavant, l'image du FN était associée aux catholiques traditionnalistes. Un homme représentait cette connivence: Bernard Antony, créateur du mouvement Chrétiens-Solidarité. Il a quitté le FN s'opposant à l'ascension de Marine Le Pen. Mais des anciens proches,comme Thibault de la Tocnaye, sont toujours aux côtés de la candidate.

Laïcité

Celle- çi dans le même temps est devenu un chantre de la laïcité. Quand Bruno Gollnish en 2010 a voulu lancer sa campagne interne de la basilique de Saint-DEnis, Marine Le Pen avait regretté que "cela donne une touche confessionnelle à un parti politique".

Une conception de laïcité que Mme Le Pen a répété dans son meeting de Rouen du 15 janvier, seul rempart contre le communautarisme. Mais revenant sur la proposition d' Eva Joly de jours féries pour l'Aid et Kipppour, elle a rappelé son attachement au christianisme comme identité culturelle "Se souviennent-ils seulement, ou sûrement en ont-ils honte ? Que la France plonge aussi ses racines dans le christianisme. C'est pourtant notre histoire, notre identité, que ça leur plaise ou pas !", a t-elle déclaré à la tribune.

Un vote anti-islam ?

Une laïcité qui ne vise que les pratiques de l'islam, considèrent ses détracteurs. Les persécutions contre les chrétiens d'Orient inquiètent la communauté catholique. M. Antony va organiser une veillée de prières à leur intention au début du mois de février.

Des catholiques peuvent -ils alors se tourner vers le FN considéré comme un rempart contre l'Islam. L'église prône un dialogue avec les autorités musulmanes. "Il faut se garder des amalgames. Les situations sont complexes et différentes dans chaque pays", répond le père Turck, qui préfère évoquer le film "Des hommes et des dieux".

La question de l'avortement

Le livre en revanche ne traite pas de l'avortement. Or, pourtant selon une étude IFOP, l'électorat catholique est largement plus sensibilisé que la moyenne des Français aux questions bioéthiques. L'Eglise est un peu génée car sur ses questions, le Fn partage des positions communes.

"Nous n'avons pas traité de la question de l'avortement, car elle n'est pas dans le programme de Marine Le Pen", répond le député UMP des Yvelines. Même si Mme Le Pen ne la met pas en avant, c'est inexact.

Dans le programme du FN, se glissent ces quelques lignes sur la question. "Le libre choix pour les femmes doit pouvoir être aussi celui de ne pas avorter : une meilleure prévention et information sont indispensables, une responsabilisation des parents est nécessaire, la possibilité d'adoption prénatale doit être proposée" est il écrit.

Il n'est plus question du déremboursement de l'IVG, que Mme Le Pen évoquait dans une interview au journal "La Croix" en mars dernier. Elle a toujours afffirmé son opposition à une abrogation de la loi Veil.

Une "modération " qui selon "La Vie" lui vaudrait la désaffection d'une petite partie de l'électorat catholique. Il pourrait alors se reporter sur Christine Boutin. Dans l'entourage de la candidate du Parti chrétien-démocrate, on admet pouvoir prendre des voix au FN sur les questions bioéthiques. Certes il s'agit d'un électorat infinitésimal, mais la présence de Mme Le Pen au second tour pourrait se jouer à une décimale près.

Concurrence dans l'électorat catholique de droite

Ce fut le cas aux régionales de 2010 en Ile de France. Une liste pro vie, , a obtenu 0, 85 % des voix soit exactement le pourcentage qui a empêché le FN (9,29%) d'atteindre le seuil de 10% nécessaire pour être présent au second tour.

Marie-Christine Arnautu, tête de liste du Front en IDF s'était fendue d'un communiqué vengeur après l'élection. "Les 0,85% de soutiens, pour la plupart honteusement manipulés, apportés à cette liste seront donc directement responsables de la politique pro avortement qui va être encore davantage développée en Ile-de-France sans qu'aucun élu du Front National ne puisse s'y opposer", écrivait-elle, terminant par une provocation " en cette période de carême, je prie pour que ce pêché mortel envers la Nation et la famille leur soit un jour pardonné. Amen !"

Marine Le Pen et l' Eglise

Dans une interview au journal "La Vie", Mme Le Pen revient sur ses rapports avec la hierarchie écclésiastique et répond par anticipation au livre de M. Pinte et du père Turck.

"Les curés devraient rester dans leur sacristie, surtout quand on voit leurs résultats. Une partie de l'effondrement moral de nos sociétés, de l'avancée de l'individualisme et du consumérisme, est liée à l'affaiblissement de l'Église. Si les prêtres s'occupaient de leurs ouailles plutôt que de politique, cette situation serait probablement réversible" déclarait-elle au mois de juin.

L'église catholique française compte néanmoins faire entendre sa voix lors de l'élection. Monseigneur André Vingt-Trois, archevêque de Paris, et président de la Conférence des évêques de France va publier un livre sur la société française dans les prochaines semaines.

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