Un ambassadeur français dénonce les discriminations au Quai d'Orsay

Un évènement inédit est venu bouleverser le quotidien du ministère des Affaires étrangères. Dans une lettre adressée à Laurent Fabius, le ministre en poste, avec copie à François Hollande, un ambassadeur dénonce les discriminations qu'il a subies à l'intérieur du Quai d'Orsay, en raison de ses origines. 

Il y souligne des "comportements contraires aux principes qui sont ceux de la République ". Il reproche notamment au Ministère de manquer d'ouverture et d'innovation envers les Français issus de l'immigration maghrébine, l'accusant, indirectement, de faire de la discrimination dans une institution d'Etat. 

Zaïr Kédadouche, l'ambassadeur en question, est un Français, né à Tourcoing (Nord). Ses parents étaient arrivés d'Algérie au milieu des années 1950.

La lettre, que s'est procurée le journal Le Point : 

Discrimination au Quai d'Orsay : la lettre envoyée à Laurent Fabius publié par Lepoint.fr

"La reproduction sociale des élites"

Dans sa lettre, il s'adresse à Laurent Fabius en lui disant que les "Français issus de l'immigration maghrébine, dont vous savez bien que malgré les plus grands efforts d'intégration, ils continuent à subir des rejets et des discriminations feutrées ". Avant d'expliquer : "Je les ai, à nouveau, subies dans les palais feutrés du Quai d'Orsay ". 

Nommé ambassadeur d'Andorre en 2012 par Alain Juppé, Zaïr Kédadouche a indiqué qu'il avait écrit à Dominique Baudis, le Défenseur des droits, et que celui-ci avait accepté d'instruire son dossier.

Laurent Fabius a répondu à l'ambassadeur au début du mois d'août, lui assurant être disposé "à l'écouter plus en détail", a précisé au Point le directeur adjoint du service de la communication et de la presse du ministère des Affaires étrangères. 

"J'ai le sentiment que le Quai d'Orsay, dans sa partie la plus influente, trace sa route dans un isoloir, cherchant à éliminer toute trace génétique risquant de compromettre la reproduction sociale de ses élites"

Il a également remis en cause la "reproduction sociale des élites" en place au Quai d'Orsay, allant même jusqu'à dire que le Ministère cherchait à éliminer toute autre "trace génétique ". 

Un parcours original

Comme il le rappelle dans la lettre, le parcours de Zaïr Kédadouche est assez atypique. Né en 1958 de parents algériens, l'homme a grandi dans un bidonville d'Aubervilliers. Il est ensuite passé, comme il l'explique, "du bidonville à l'Ambassade de France ", en exerçant successivement des professions diverses. Footballeur professionnel (au Red Star), éboueur, professeur à Sciences Po Paris...

Il fait son entrée en politique en 1995 au cabinet d'Eric Raoult, alors ministre de la Ville et de l'Intégration, avant d'être conseiller du président Jacques Chirac, puis consul de France à Liège (Belgique). Il se définit lui-même comme un "chiraquien de gauche ", et revendique le fait de n'avoir jamais été encarté dans un parti. 

Grand défenseur du projet de Musée national de l'immigration, il avait été nommé ambassadeur par Nicolas Sarkozy, cela ne l'avait pas empêche d'appeler à voter pour François Hollande en 2012.