L'UMP, "un parti figé" en attendant Nicolas Sarkozy
L'ex-président laisse planer le doute. Va-t-il se porter candidat à la tête de l'UMP dès les prochaines semaines ou miser sur les primaires du parti de 2016, prélude à la présidentielle de 2017 ? Une incertitude qui pèse sur le parti.
Nicolas Sarkozy n'aurait fait aucune promesse, aucune confidence à ses proches. Ses soutiens semblent pourtant tous persuadés de son retour. En attendant la confirmation de sa candidature à la présidence de l'UMP, ses partisans comme ses rivaux au sein du parti hésitent sur la stratégie à adopter.
L'ancien président de l'UMP continue de consulter conseillers et parlementaires, mais le temps presse. Il a jusqu'au 30 septembre pour déposer sa déclaration de candidature, accompagnée des 2 681 parrainages requis. En coulisses, tous guettent avec nervosité la décision de l'ancien patron de la droite.
"Il prend un risque s'il laisse de l'avance aux autres"
L'ancien chef de l'Etat fait patienter ses soutiens, car "il a adapté son calendrier à la situation politique, après le remaniement du gouvernement", explique à francetv info l'UMP Valérie Debord, proche de Sarkozy. Dans un calendrier politique chargé, l'ex-président réfléchirait à la forme et au moment de sa déclaration. Reviendra-t-il avant le 15 septembre ? Ou après le vote de confiance au gouvernement Valls, le 16 ? Ou même après la conférence de presse de François Hollande, le 18 ?
L'équipe du challenger Bruno Le Maire mise plutôt sur un retour avant le 15 septembre, pour des raisons logistiques : "Il faudra quand même qu'il s'organise pour récupérer ses parrainages." Un détail selon les sarkozystes, pour qui l'ancien président n'aura aucun mal à trouver les signatures. Le courant sarkozyste La droite forte a d'ailleurs lancé, dès le 29 août, un appel à parrainer Nicolas Sarkozy. Cela n'empêche pas certaines voix à l'UMP de douter encore de sa candidature. "Il n'est pas exclu que Nicolas Sarkozy hésite entre un retour à l'UMP [afin d'y décrocher la présidence du parti] et un retour directement aux primaires [afin d'obtenir l'investiture du parti pour être candidat à l'élection présidentielle de 2017]", estime un membre de l'équipe de Bruno le Maire.
Tout le monde se perd en conjectures et à l'UMP, chacun est devenu un exégète de la stratégie de l'ancien président de la République. Benoist Apparu, soutien d'Alain Juppé, imagine ce qui pourrait provoquer les hésitations stratégiques de Nicolas Sarkozy : "D'un côté, c'est compliqué pour un ancien président d'entrer à nouveau quotidiennement dans l’arène politique en tant que président de parti ; de l'autre, il prend un risque s'il laisse de l'avance aux autres." Plusieurs responsables UMP lui conseillent d'ailleurs de se concentrer tout de suite sur la primaire de 2016, qui permettra de désigner le candidat du parti à la présidentielle, pour éviter les turpitudes liées à la fonction de président de parti. "Je ne suis pas sûr qu’un ancien président a vocation à redevenir chef de parti", lâche ainsi le député UMP Edouard Philippe, proche d'Alain Juppé.
"Certains sont restés sous tutelle"
Pour le moment, en l'absence de Nicolas Sarkozy, en dehors du député de la Drôme Hervé Mariton, le seul candidat sérieux pour le scrutin qui désignera le président de l'UMP porte le nom de Bruno Le Maire. Deux autres candidats, inconnus du grand public, ont également envoyé leur déclaration d'intention à la Haute autorité de l'UMP. Mais la formation politique reste suspendue aux lèvres de Nicolas Sarkozy. "L’incertitude sur sa candidature a figé le parti au niveau des candidatures", regrette Benoit Apparu.
Interrogé par francetv info, Bruno Le Maire partage ce constat. L'ancien ministre de l'Agriculture déplore le faible nombre de candidatures pour ce scrutin interne qu'il juge pourtant crucial pour l'avenir de sa famille politique : "Certains sont visiblement restés sous tutelle, moi je suis un homme libre. Je pose une véritable alternative politique et je n'attends pas la décision de Nicolas Sarkozy."
Les têtes d'affiches lancées dans l'autre course, celle à la primaire de l'UMP (en 2016) qui désignera le candidat du parti à la présidentielle de 2017, attendent la décision de Nicolas Sarkozy avant d'annoncer un éventuel soutien à un candidat. François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand ne peuvent pas laisser l'ancien président rafler facilement le parti s'ils veulent conserver une chance pour la primaire. Dans le même temps, ils n'ont pas de candidat issu de leur courant sur lequel s'appuyer pour la présidence du parti.
Les ténors s'observent avec prudence
Xavier Bertrand voulait une candidature de François Baroin. Depuis que ce dernier a choisi de conquérir l'Association des maires de France, l'ancien ministre de la Santé se tient à l'écart. Il se montre très critique sur l'éventuel retour de Nicolas Sarkozy et reste éloigné des idées d'Hervé Mariton. Mais il ne se précipite pas pour autant dans les bras de Bruno Le Maire. Un autre membre de l'UMP analyse cette hostilité : "Bertrand n'a pas intérêt à ce que Le Maire fasse un trop gros score pour la présidence de l'UMP, car il pourrait lui prendre le créneau du renouveau en 2016."
Du côté d'Alain Juppé, le choix s'annonce délicat. Bruno Le Maire semble compatible avec sa ligne politique, mais les juppéistes ne veulent pas d'un président de l'UMP aux ambitions présidentielles trop affirmées. "Bruno Le Maire vise les primaires, ce n'est un secret pour personne, et il nous faut un type qui gère le parti sans penser à la présidentielle matin, midi et soir", détaille Benoist Apparu. Le positionnement dénué d'intention présidentielle d'Hervé Mariton pourrait paraître intéressant, mais ce dernier reste sur une ligne politique trop éloignée de la droite modérée prônée par le maire de Bordeaux.
François Fillon se trouve dans la même impasse. Il souhaite également que le prochain président de l'UMP se comporte en gestionnaire plus qu'en candidat pour la primaire de 2016. Mais si l'ancien Premier ministre refuse de se prononcer pour l'instant, il pourrait, le moment venu, soutenir Bruno Le Maire pour faire barrage à Nicolas Sarkozy. Plusieurs de ses soutiens ont déjà rejoint le député de l'Eure dans la bataille pour la présidence de l'UMP, à l'image du député des Alpes-Maritimes Jean Leonetti.
Bruno Le Maire gagne du terrain pour la conquête du parti
En attendant la levée du mystère Sarkozy, Bruno Le Maire profite de l'absence dans la campagne de l'ancien chef de l'Etat pour tenter de gagner un peu de terrain. Lors du campus des Jeunes Pop, le 30 août au Touquet (Pas-de-Calais), les partisans du député de l'Eure étaient plus visibles et plus bruyants que les supporters de Nicolas Sarkozy. "On a réalisé un joli coup", se félicite le directeur de campagne de Bruno Le Maire, Jérôme Grand d'Esnon. Pour ce dernier, "les tergiversations de Sarkozy sont désastreuses pour l’état d’esprit des militants" et expliquent en partie le dynamisme de la campagne de son champion.
Valérie Debord tient à relativiser le phénomène : "Bruno, c’est super ce qu’il a fait au Touquet, mais il y avait 50 jeunes. A son retour, Nicolas Sarkozy en aura 5 000." Nadine Morano, députée européenne et ancienne ministre, est également persuadée que le parti se rassemblera derrière le chef naturel de la droite : "Il y a une forte attente chez les parlementaires et les militants."
Et si, finalement, Nicolas Sarkozy décidait de surprendre tout le monde en ne se présentant pas à la présidence de l'UMP ? Laurent Wauquiez a déjà annoncé qu'il se lancerait dans la course si ses idées ne sont pas représentées par un candidat. Un temps pressentie, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s'est récemment prononcée pour une candidature de Nicolas Sarkozy, pourrait également entrer en piste.
De leur côté, François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand ont pour l'instant adopté la stratégie de sauter la case présidence de l'UMP pour viser plus haut. Ils répètent qu'ils ne sont candidats qu'à une seule élection – les primaires de 2016 – et ils déploient leur énergie afin de différencier le scrutin interne des primaires. Mais en cas d'absence de Nicolas Sarkozy dans le scrutin pour la présidence de l'UMP, les ténors pourraient se décider à agir pour ne pas laisser un boulevard à Bruno le Maire.
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