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Pourquoi la Cour des comptes estime que la France a trop de communes

Avec 34 955 communes, la France dispose d'un maillage beaucoup plus important que ses voisins européens. Malgré les problèmes de gestion pour les petites communes, les Français restent attachés à leurs villages.
Article rédigé par franceinfo
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La commune de Beynac-et-Cazenac, en Dordogne, le 26 novembre 2022. (GHISLAINE BRAS / ONLY FRANCE / AFP)

Les Français restent attachés à leur terroir. A la date du 1er janvier 2022, la France comptait 34 955 communes réparties sur l'ensemble du territoire, souligne la Cour des comptes dans son dernier rapport (PDF). Il s'agit d'un record au sein de l'Union européenne qui pose un certain nombre de problèmes pour l'administration française.

Parce qu'elle en compte plus que ses voisins européens

Pour la Cour des comptes, il s'agit d'abord d'un souci de taille. Dans son rapport, l'institution dénonce ainsi la "persistance d'un trop grand nombre de trop petites communes". Parmi les quelque 35 000 municipalités françaises, la moitié (49,6%) sont peuplées de moins de 500 habitants. Et si on considère les communes de moins de 1 000 habitants, le taux monte même à 71,6%. "La dispersion et l'absence de masse critique de la grande majorité des communes françaises distinguent leur situation de celle de la plupart de leurs homologues européennes", note ainsi la Cour des comptes.

En comparaison, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont réussi ces dernières années à réduire fortement leur nombre de communes. Résultat, les Allemands comptent 10 795 communes pour 84 millions d'habitants, les Espagnols 8 112 pour 47 millions d'habitants et les Italiens 7 904 pour 60 millions d'habitants. Après activation de la calculette, cela donne en population moyenne : 1 891 habitants pour les communes françaises (en 2017), 7 450 habitants pour les allemandes, 7 960 pour les italiennes, 15 507 pour les polonaises, 19 938 pour les belges ou encore 45 071 pour les néerlandaises.

Parce que les petites communes sont difficiles à gérer

Pour les toutes petites communes, il est parfois difficile d'assurer toutes les missions prévues par la loi, que ce soit en matière de logement, d'action sociale, d'urbanisme, d'environnement ou encore d'aménagement du territoire. "La taille des petites communes est devenue un handicap lorsque l'acte I de la décentralisation a supprimé la tutelle préfectorale et leur a confié de nouvelles compétences techniques, notamment en matière d'urbanisme", estime la Cour des comptes. 

Autre problème, il n'est pas toujours évident de trouver des élus pour administrer ces petites communes. En 2020, 106 communes se sont ainsi retrouvées sans candidat aux municipales. "Cela demande du temps, c'est vrai qu'on est sollicité tout le temps, la tranquillité en prend un coup, tout comme la vie de famille", expliquait un maire à franceinfo en 2020. "La gestion de ces petites collectivités repose souvent sur un maire cumulant son mandat avec une activité professionnelle, bénéficiant du concours de moins de deux agents municipaux", ajoute la Cour des comptes.

Le grand nombre de communes, ainsi que le millefeuille territorial (intercommunalité, département, région), a aussi un coût pour l'Etat, puisque ce dernier est le premier contributeur au budget des collectivités. L'Etat encourage donc, via des avantages financiers, le regroupement de municipalités, puisque la mutualisation des moyens peut générer des économies. "Les dotations de l'Etat ne vont pas être à la baisse, elles vont même être légèrement majorées pendant trois ans", notait le maire de Mametz (Pas-de-Calais), interrogé par France 3, lors de la fusion de sa commune en 2019. Le maintien des dotations est effectivement assorti d'un bonus de 5%, sous certaines conditions démographiques.

Parce que les politiques de regroupement ont échoué

Le nombre de communes est passé d'environ 44 000 en 1790 à 38 076 en 1962. Il n'a été réduit que de 8% depuis cette date, note la Cour des comptes. Dans le même temps, le nombre des communes allemandes est passé de 24 000 en 1960 à 8 500 en 1989, à la veille de la réunification. L'Etat tente pourtant depuis de nombreuses années de réduire le nombre de communes. Dès 1971, avant l'acte I de la décentralisation en 1982, la loi dite "Marcellin" cherchait déjà à favoriser les regroupements, mais avec seulement 1 068 suppressions, les résultats seront très en deçà des objectifs fixés.

En 2010, la réforme des collectivités territoriales a instauré un régime de fusion "à la carte". Les anciennes communes fusionnées pouvaient ainsi se doter d'attributions visibles et concrètes, comme le pouvoir de célébrer les mariages. Mais là aussi, les résultats sont modestes, avec une diminution de 1 529 du nombre de communes entre 1962 et 1982, rappellent les Sages de la rue Cambon. Enfin, la loi dite "Pélissard" de 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle a montré une plus grande efficacité (avec le regroupement de 2 498 communes au sein de 796 communes nouvelles).

Pour obtenir des résultats plus rapides, l'Allemagne a choisi d'opérer par des fusions forcées. Mais l'attachement des Français à leur commune a jusqu'à présent conduit les gouvernements successifs à repousser cette solution radicale. Cette relation forte "reflète la demande d'une gestion plus proche des besoins des citoyens, que l'épisode des 'gilets jaunes' et la crise sanitaire ont sans doute encore accentuée, remarque la Cour des comptes. Les Français s'identifient ainsi davantage à leur commune qu'aux échelons supérieurs et connaissent mieux leur maire que le président du conseil régional, départemental ou communautaire."

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