Primaire de la gauche : pour qui votent les petits patrons ?
Les candidats de la primaire de la gauche ont débattu devant les patrons de la CPME, mercredi, à la Défense (Hauts-de-Seine). Un public loin d'être conquis.
C'est une rencontre qui peut sembler contre-nature : le grand oral des candidats de la primaire de la gauche devant les patrons de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME, ex-CGPME), bien loin de constituer la première cible électorale des candidats. Il n'empêche : plusieurs dizaines de chefs d'entreprise sont venus écouter, mercredi 11 janvier, dans le quartier de la Défense, près de Paris, Arnaud Montebourg, Manuel Valls ou François de Rugy, détailler leur programme économique. Qui a convaincu ? Qui a déçu ? Franceinfo a interrogé les participants.
Montebourg, le candidat qui séduit
"La boucherie Montebourg, le régal de toujours !" Comme un gage de sa bonne connaissance de l'artisanat, Arnaud Montebourg brandit une nouvelle fois le slogan de son grand-père, jadis boucher-charcutier en Saône-et-Loire. C'est habituel avec l'ancien ministre du Redressement productif : il compte séduire son auditoire par l'humour. Au vu des rires de l'assistance, l'exercice est plutôt réussi. D'autant plus que, dans sa besace, le chantre du "made in France" a une proposition sur mesure pour les petits patrons : réserver 80% de la commande publique française aux PME. Séduits mais dubitatifs sur la mise en œuvre de la mesure, les patrons attendent d'en savoir plus.
"En moyenne, la commande publique, ce sont 100 milliards d'euros par an. Seuls 25% bénéficient aujourd'hui au tissu productif, expose Montebourg. On peut faire beaucoup mieux. Certaines collectivités locales, comme les Pays de la Loire, sont déjà à 80%. En Allemagne, c'est 50%. Il suffit de faire un effort de réorganisation, il ne s'agit pas de truquer les marchés publics."
A l'issue de la prestation de l'ancien ministre, plusieurs patrons se montrent convaincus : "On dirait qu'il n'a pas peur de mettre les mains dans le cambouis", note Philippe Jouanny, qui emploie 420 salariés dans le secteur de la propreté en Ile-de-France. "Il est plus au fait des réalités de l'entreprise que les autres", abonde Jean-Pierre Rivet, qui dirige une entreprise d'import-export de fournitures industrielles. Patron dans la restauration rapide et le tourisme, Bertrand Demier, lui, s'inquiète néanmoins de la volonté d'Arnaud Montebourg d'utiliser le protectionnisme pour défendre l'industrie française : "Les entreprises françaises ont besoin d'exporter. Si on met en place des mesures protectionnistes, cela risque de susciter la même chose de la part des autres pays."
Valls, le candidat qui doit se justifier
C'est évidemment le candidat dont la ligne politique en matière d'économie est la plus connue. Manuel Valls, qui déclamait en 2014 sur tous les tons et dans toutes les langues son leitmotiv "J'aime l'entreprise", bénéficie plutôt d'une bon a priori parmi les patrons. Mais à l'image de sa campagne qui patine, l'ex-Premier ministre doit une nouvelle fois expliquer ses volte-face. Interrogé sur sa volonté de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires, supprimée en 2012, le candidat reconnaît une "mauvaise décision qui n'a pas été comprise", et qui découlait d'un "engagement de campagne de François Hollande". "Admettre une erreur, et la corriger, c'est un discours qui nous séduit, nous, chefs d'entreprise, car c'est extrêmement pragmatique", assure Philippe Jouanny.
Certains patrons se montrent bien plus sévères avec l'ancien chef du gouvernement. Avant de l'entendre, ce dirigeant d'une petite entreprise d'import-export lui accordait sa préférence. Mais après avoir entendu tous les candidats, il affirme n'être "pas du tout convaincu" par Manuel Valls sur les thématiques abordées : "Il n'a fait que lire son discours, on n'a pas l'impression qu'il sache bien ce que c'est que de gérer une entreprise." Compte pénibilité, loi Travail, régime social des indépendants : un dirigeant du mouvement patronal critique aussi l'action de l'ancien Premier ministre à Matignon : "C'est très bien de vouloir sortir des postures, mais le problème, c'est que de la parole aux actes, il y a parfois un monde. C'est tout ce qu'on a regretté sur la loi Travail : on a basculé du champ du pragmatisme au champ politique".
De Rugy, le candidat qui crée la (bonne) surprise
A la différence de Montebourg ou de Valls, la plupart des patrons ne connaissaient aucune des propositions du député écologiste François de Rugy. Mais après l'avoir entendu parler de la suppression des cotisations famille pour les entreprises, vanter une fiscalité écologique qui soit à la fois "une contrainte et une incitation", ou encore s'interroger sur le périmètre de la fonction publique, plusieurs font part de leur bonne impression.
"C'est une découverte. Il est très posé, avec une approche qui n'oppose pas l'écologie et l'économie, pas du tout dans le dogmatisme. On voit aussi qu'il connaît les terroirs", estime ce dirigeant qui travaille dans la grande distribution alimentaire. "J'ai bien aimé son propos sur ce qu'est une économie forte, dans laquelle on a besoin à la fois des grands groupes et des PME. Les politiques ont tendance à nous caresser dans le sens du poil, lui a été franc. Je suis aussi d'accord avec lui sur sa lecture de l'ubérisation, qui peut appauvrir", dit Catherine Guerniou, patronne d'une entreprise de menuiserie dans le Val-de-Marne.
Hamon, le candidat absent (et incompris)
Excusé pour cause d'agenda, Benoît Hamon n'est pas venu présenter son programme devant les patrons de la CPME. Mais même s'il n'est pas présent, l'ancien ministre suscite la controverse. "Avec la baisse du temps de travail à 32 heures et le revenu universel, c'est le candidat qui a le programme le plus anti-patronat, estime ce chef d'entreprise. La notion de travail serait dévalorisée, cela ne peut pas motiver les salariés, sans compter le problème du financement du revenu universel."
La mesure hérisse aussi Alexandre Gonzva, patron d'une entreprise d'une dizaine de salariés spécialisée dans le recouvrement de créances. "Hamon confond long terme et utopie", estime-t-il. Le revenu universel n'est pas une bonne mesure ? "A cent ans, je ne sais pas, mais à dix ans, la réponse est non."
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